Pour qui s’intéresse au petit monde des nanars, Cameroun Connection est un film qui parle forcément. Premier film de kung fu africain, le film est sorti en salles puis en VHS et depuis, plus rien. Pas l’ombre d’un DVD, pas l’ombre d’un blu-ray, jusqu’à ce que Nanarland et Pulse Vidéo décident qu’il était temps de rendre hommage à cet étron … euh à ce chef d’œuvre du 7ème art, de s’associer à Vinegar Syndrome pour la restauration en 4k, et de sortir un blu-ray digne de ce nom, avec un deuxième film, le culte Black Ninja dont je vous ai parlé récemment. Cameroun Connection, c’est quoi ? C’est l’histoire d’un acteur/réalisateur, Alphonse Beni, qui navigue dans les années 70 entre films pornos, films érotiques et polars. A la fin des années 70 / début 80, le cinéma d’exploitation asiatique est très à la mode en Afrique. Un peu à la manière des drive-in aux États-Unis, les cinémas passent des doubles programmes dans lesquels on retrouve bon nombre de films de seconde zone hongkongais, indonésiens ou philippins. Malin qu’il est, Alphonse Beni se dit que s’il réalisait un polar avec des combats de kung fu, il y aurait moyen de gagner de l’argent. Comme il est acteur, il s’attribue le premier rôle. Grâce à ses connaissances, il arrive à faire venir Bruce Le, célèbre clone de Bruce Lee, et voilà, il n’a plus qu’à broder une enquête policière pour mettre en boite Cameroun Connection.


Il y a French Connection de William Friedkin, mais il y a aussi Cameroun Connection d’Alphonse Beni. C’est presque pareil. Enfin non, pas du tout pareil. Mais c’est presque aussi bien. Enfin non, pas du tout non plus. Nous sommes ici dans un nanar pur jus, on sent qu’on est dans quelque chose fait avec le plus grand des sérieux, avec une sincérité et une naïveté folles, sans que jamais personne ne se soit rendu compte de la qualité assez catastrophique de ce qu’ils étaient en train de faire. Dans Cameroun Connection, rien ne va, à commencer par son scénario brouillon au possible, au point que lorsque le twist final nous est révélé, on ne peut que se dire « Hein !?! ». Ici, les scènes s’enchainent sans forcément de liant entres elles. L’intrigue générale avec l’enquête est bien là tout le film, mais des scènes venues de nulle part viennent s’immiscer là-dedans sans que cela ne serve à quoi que ce soit, sans que cela ne fasse avancer quoi que ce soit. Béni incarne son personnage fétiche, l’inspecteur Baïko, qu’il a joué à plusieurs reprises et qui est devenu très populaire au Cameroun au point que, dans la rue, certains l’interpellaient sous ce nom, et avec son ami Bruce, interprété donc par Bruce Le (Enter the Game of Death, The Clones of Bruce Lee), ils vont enquêter sur une histoire de meurtre. Cameroun Connection est un film autoproduit dans lequel, pour faire rentrer de l’argent, on retrouve tout un tas de placements de produits bien grossiers. On aura donc droit à des logos Orangina bien visibles dans un bar ou sur un camion, une visite d’une usine de bière de marque Nobra bien populaire à l’époque au Cameroun, tout comme le whisky Vat 69 qui s’illustre également sur des affiches publicitaires, on commande du champagne Veuve Clicquot car c’est le champagne chic par excellence, ou encore on roule en Toyota parce qu’ils ont fait un petit chèque. Vous voyez le genre ? Malgré tout le côté commercial du procédé, Beni parle mine de rien de racisme, de corruption, et même, certes de façon assez maladroite, de la condition de la femme, de leur droit à disposer de leur corps comme elles le souhaitent. Raison de plus d’affirmer qu’il y a énormément de sérieux là derrière même si voilà, ça n’en fait pas un bon film pour autant.


Disons que s’il n’était pas sauvé par ses quelques moments nanars, Cameroun Connection serait vite tombé dans le naveton de première catégorie car il faut avouer que, entre deux moments tellement mauvais qu’ils en deviennent très fun, c’est aussi passionnant qu’un mauvais épisode de Derrick (déjà sur les bons épisodes…) avec un Beni qui va de lieu en lieu, qui interroge des gens, qui boit un coup, qui se fait passer pour un taxi, … Mais le film possède son lot de moments improbables qui font qu’il en devient réellement attachant. Il y a par exemple cette scène improbable dans une boite de nuit où soi-disant on passe de la très bonne musique mais où les gens semblent dépressifs et bougent à peine leur corps. On pourra également parler de cette apparition furtive (moins de 1min) de Paco Rabanne, le regard vide et la moustache frétillante, qui avait dû prédire qu’il allait faire du cinéma mais peut-être pas dans ce genre de film. Citons aussi cette course poursuite motorisée, interminable, dans laquelle on fait un peu trop attention à ne blesser personne car il n’y a aucun professionnel de la cascade et que du coup, il ne s’y passe bien. Ou bien encore les combats complètement pétés. Quand Bruce Le se bat, il se donne à fond. C’est un bon artiste martial, et fait de beaux mouvements. Mais Alphonse Beni, c’est autre chose, il ne connait pas les arts martiaux et fait du coup ce qu’il peut. Même chose pour une bonne majorité de sbires pour qui les bastons ressemblent à une bagarre de cours d’école en primaire. Ainsi, tout y est approximatif, des coups qui passent à deux kilomètres aux postures improbables de Beni qui tente d’imiter passablement les techniques à base d’animaux qu’il a dû voir sur des kung fu d’exploitation au cinéma. Mais si ce n’était que ça qui n’allait pas… Il y a également à plusieurs reprises des passants en fond qui regardent le tournage sans que quelque chose soit tenté pour qu’on ne les voie pas. Il y a ce jeu d’acteur complètement aux fraises, à l’exception de celui de Bruce Le, pas aidé par un doublage en roue libre en post-production (les acteurs parlent français mais ils ont été redoublés par-dessous, sans doute pour cacher leur accent africain), rajoutant des lignes de dialogue lors des hors champs, en exagérant d’autres. Il y a même le quota de plans boobs avec une jolie donzelle qui, complètement gratuitement, va prendre son bain moussant et se frotter partout, et même du nu full frontal toute touffe apparente. Sans oublier le docteur Kui-Kui (mais quel nom !) et son phrasé inimitable ! Alors on s’amuse devant ce Cameroun Connection, devant la ringardise (malgré le sérieux) de certaines scènes, devant ces combats tout pourris, mais pas de réels fous rires comme ce fut le cas devant Black Ninja.


Cameroun Connection possède son lot de moments tellement à part qu’ils font rire. Bien que n’entrant pas au panthéon des plus beaux fleurons du genre, le film a bien des atouts pour l’amateur de cinéma bis qui a envie de s’en payer une tranche.


Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-cameroun-connection-dalphonse-beni-1985/

cherycok
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le 22 août 2024

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