Le synopsis paraît simple, et même déjà vu, du moins au début. Deux thésardes de l'université de l'Illinois font leurs recherches sur les légendes urbaines et vont découvrir, à leurs dépends, que l'une d'entre elles n'est pas uniquement une légende.
De fait, le film va commencer tout tranquillement, sans sortir de ce que l'on croit être un chemin tout tracé. Le spectateur est confiant, il a déjà vu ça des centaines de fois.
Il baisse la garde.
Jusqu'à ce que le film l'entraîne dans sa folie baroque. Jusqu'à cette scène éblouissante qui conduira un des personnages principaux en prison.
Baroque. Tel est bien le mot ici, tant Bernard Rose semble s'inspirer ici du travail de Dario Argento. Les lieux délabrés, les gros plans sur le visage d'Helen, le lien entre fantastique et folie, les abeilles grouillant sur le corps de Candyman, l'absence revendiquée de réalisme, au profit d'une sorte d'onirisme sombre, de poésie macabre. Le retour obsédant de certaines images, en particulier cette peinture géante de la figure de Candyman, ajoute beaucoup à l'ambiance également.
Il faut dire qu'il y a tout un travail sur les décors dans ce film. La cité, l'immeuble, l'appartement en ruine, les toilettes publiques, les affaires entassées dans la cour et destinées à être brûlées, tout sent bon la mort et la décrépitude.
A ce titre, il y a une opposition claire entre les beaux quartiers qu'habite Helen et la cité de Candyman. C'est le passage entre la certitude rationnelle de la thésarde et la folie quasi-mythologique de la légende faite chair. C'est la découverte d'une vérité sordide cachée sous les apparences bien lisses d'une bonne société policée. Le parcours d'Helen consiste à quitter son monde propret pour s'enfoncer dans la pourriture des démons (thème très proche de ceux de Stephen King, par exemple).
Des démons qui sont aussi ceux de la société américaine. Candyman, c'est la vengeance des générations d'esclaves martyrisés. C'est aussi l'affirmation sociale de ceux qui sont rejetés, cantonnés dans leur cité. Candyman, c'est la plaie sociale que l'on ne veut pas voir, mais qui s'impose aux regards de tous.
Ce décor d'appartement en ruine, avec ses graffitis (eux-mêmes très inquiétants), se transforme progressivement en temple dédié à Candyman. Car il y a aussi, dans ce film, une réflexion sur la foi. Candyman ressurgit parce qu'on ne croit plus en lui. Il tue, à intervalles réguliers, pour entretenir sa légende, pour conserver ses fidèles. D'ailleurs, ses actions, il les appelle des miracles, et le but des miracles est de raviver la foi.
Sans compter ce qu'Helen apprend d'elle-même, et qui donne encore une autre dimension au film, comme un romantisme noir.
L'ensemble fait un film vraiment passionnant, une sorte de conte macabre, un film unique ne ressemblant à rien et mêlant de nombreuses influences.
Et plutôt efficace dans son genre.