Caniba
5.2
Caniba

Documentaire de Lucien Castaing-Taylor et Verena Paravel (2018)

Voir le film

Trigger Warning :


ce film contient des scènes pornographiques (censurées au niveau des parties génitales), de l’uro et des scènes graphiques de scarification.


Quelle surprise !


Dans la forme d’une part, où on a un parti-pris de cadrage très fort : tout le film est en gros plan sur les visages en majorité, la peau, les yeux, la bouche, le nez. On devine sans le voir l’environnement où semblent retranchés les deux frères, on est comme prisonniers de leurs visages burinés et flasques, de leurs orifices faciaux. De cette proximité et de quelques flous grossiers ressort un certain malaise et parfois du dégoût. Ils sont souvent attablés en train de manger, comme pour rappeler à notre mémoire les faits. Des bruits de mastication, de déglutition -bref des bruits de bouche- accompagnent avec cruauté les 100 minutes du film.


Le rythme général est très lent. Certains plans où il ne se passe pas grand chose sont vraiment très longs, parfois ça marche, d’autres pas trop. Je pense que ces close-up sur le visage visent à colmater le manque d’éloquence d’Issei. Il ne reste alors au spectateur que la possibilité de sonder le visage du cannibale, d’essayer de remarquer une mimique, une grimace ou une larme qui trahirait ses pensées. Le moment où


les 2 frères regardent le manga qu’Issei a dessiné


est vraiment beau. Parce qu’artistique, honnête, montrant à la fois un jugement dur, une indulgence fraternelle et une curiosité morbide -qui est en réalité celle du spectateur.


De manière globale, ce film soulève plus de questions qu’il donne de réponses, et c’est très bien. On est loin des montages putassiers sur fond de Requiem for a dream réservés aux affaires de ce type.
Une certaine pudeur vient apaiser le glauque, traitant avec douceur et détachement ces messieurs qui ont désormais dépassé la soixantaine et qui ne comprennent toujours pas d’où viennent leur « folles envies ». Aussi, en replaçant les protagonistes dans un cadre affreusement banal, le film rappelle qu’il n’y a rien d’exceptionnel chez un meurtrier, malgré le portrait fantasmé qu’on dresse souvent de lui.
Les deux hommes n’ont pas d’explications à donner, partagent volontiers leurs home movies (où ils apparaissent dans une image d’Épinal du Japon tels deux adorables poupons) et explicitent clairement leurs fantasmes sexuels.
La dernière scène est d’une poésie mystérieuse, frappante, salvatrice.


Un film à ne pas mettre entre toutes les mains, qui plaira à ceux et celles qui savent que lorsqu’on s’intéresse à l’horreur de l’être humain, on se sonde en réalité soi-même.

Créée

le 19 sept. 2018

Critique lue 203 fois

Melissa Van Loo

Écrit par

Critique lue 203 fois

D'autres avis sur Caniba

Caniba
seb2046
7

Monstrare le monstre...

CANIBA (Vénéra Paravel et Lucien Castaing-Taylor, FRA, 2018, 90min) :Oubliez la fiction, le personnage d’Hannibal Lecter et le chianti, ici nous faisons réellement face à la monstruosité de l’Homme...

le 12 janv. 2023

11 j'aime

Caniba
Dex-et-le-cinma
8

Par ce qu'il raconte, ce qu'il montre, par la démarche et le point de vue employé, Caniba se pose comme une expérience totale, une plongée ultra-contemplative dans la psyché humaine, où la sensation...

le 12 juil. 2018

9 j'aime

6

Caniba
PjeraZana
7

Penser Fou

Documentaire choc de la fin de cet été, le nouveau film de Verena Paravel et Lucien Castaing-Taylor sur le cannibale japonais Issei Sagawa n’est pas seulement l’expérience extrême que promet son...

le 2 sept. 2018

4 j'aime

1

Du même critique

Song to Song
Melissade_Vincenzo
5

c'est beau

C'est beau, la photo est sublime, la maîtrise de la caméra est virtuose, c'est sensuel, on est tout près des acteurs, tout le monde est beau, on sent leur peau, les tissus, les regards, les...

le 31 mai 2017

4 j'aime

The Square
Melissade_Vincenzo
8

Carré blanc sur fond blanc

Que l'on ri ! Que l'on s'y reconnaît ! Que l'on s'offusque devant le vide des choses qui se croient si importantes ! Mort à la société du paraître, à ceux qui ne bougent pas d'un pouce quand leur...

le 30 sept. 2017

1 j'aime

1