Trigger Warning :
ce film contient des scènes pornographiques (censurées au niveau des parties génitales), de l’uro et des scènes graphiques de scarification.
Quelle surprise !
Dans la forme d’une part, où on a un parti-pris de cadrage très fort : tout le film est en gros plan sur les visages en majorité, la peau, les yeux, la bouche, le nez. On devine sans le voir l’environnement où semblent retranchés les deux frères, on est comme prisonniers de leurs visages burinés et flasques, de leurs orifices faciaux. De cette proximité et de quelques flous grossiers ressort un certain malaise et parfois du dégoût. Ils sont souvent attablés en train de manger, comme pour rappeler à notre mémoire les faits. Des bruits de mastication, de déglutition -bref des bruits de bouche- accompagnent avec cruauté les 100 minutes du film.
Le rythme général est très lent. Certains plans où il ne se passe pas grand chose sont vraiment très longs, parfois ça marche, d’autres pas trop. Je pense que ces close-up sur le visage visent à colmater le manque d’éloquence d’Issei. Il ne reste alors au spectateur que la possibilité de sonder le visage du cannibale, d’essayer de remarquer une mimique, une grimace ou une larme qui trahirait ses pensées. Le moment où
les 2 frères regardent le manga qu’Issei a dessiné
est vraiment beau. Parce qu’artistique, honnête, montrant à la fois un jugement dur, une indulgence fraternelle et une curiosité morbide -qui est en réalité celle du spectateur.
De manière globale, ce film soulève plus de questions qu’il donne de réponses, et c’est très bien. On est loin des montages putassiers sur fond de Requiem for a dream réservés aux affaires de ce type.
Une certaine pudeur vient apaiser le glauque, traitant avec douceur et détachement ces messieurs qui ont désormais dépassé la soixantaine et qui ne comprennent toujours pas d’où viennent leur « folles envies ». Aussi, en replaçant les protagonistes dans un cadre affreusement banal, le film rappelle qu’il n’y a rien d’exceptionnel chez un meurtrier, malgré le portrait fantasmé qu’on dresse souvent de lui.
Les deux hommes n’ont pas d’explications à donner, partagent volontiers leurs home movies (où ils apparaissent dans une image d’Épinal du Japon tels deux adorables poupons) et explicitent clairement leurs fantasmes sexuels.
La dernière scène est d’une poésie mystérieuse, frappante, salvatrice.
Un film à ne pas mettre entre toutes les mains, qui plaira à ceux et celles qui savent que lorsqu’on s’intéresse à l’horreur de l’être humain, on se sonde en réalité soi-même.