Cinq ans après le fascinant Léviathan le couple d'anthropologues formé par Véréna Paravel et Lucien Castaing-Taylor réalise Caniba, documentaire pour le moins lapidaire tentant un peu vainement de portraiturer un authentique cannibale nommé Issei Sawaga. Pratiquement dénué de verbe ( et encore plus d'explications concernant les agissements criminels de Sawaga survenus au début des années 1980 dans les quartiers estudiantins parisiens...) l'objet filmique dont il est ici question revient près de quarante ans plus tard sur la personnalité pas mal énigmatique dudit cannibale ; accompagné de son frère Jun l'ignoble anthropophage nous laisse partager une intimité mentale constituée d'obsessions charnelles et d'illustrations graphiques particulièrement sordides au coeur desquelles Issei Sawaga semble donner libre cours à ses fantasmes.
Trop courte dans son propos et limitée dans ses intentions Caniba est une oeuvre documentaire toutefois assez marquante sur le plan purement esthétique : en collant au plus près de la figure de Issei Sawaga Paravel et Castaing-Taylor livrent un morceau de cinéma haptique, aux confins d'une potentielle néo-pornographie. Excessive jusqu'à l'écœurement l'utilisation permanente du très gros plan donne audit documentaire des allures de film XP sensationnaliste et visuellement mal aimable. Peu de contrepoint dans Caniba par ailleurs, si l'on excepte certains passages présentant les deux jeunes frères filmés en home-movie durant leur petite enfance, montrant toute la relativité de cette immondicité proprement malaisante.
Le film n'en reste pas moins assez creux et proche du remplissage mal inspiré, fonctionnant principalement sur son sujet des plus morbides et sulfureux. Caniba demeure donc une déception, loin du choc visuel et immersif du superbe Léviathan ou encore du traumatisant et très réussi De Humani Corporis Fabrica sorti l'année dernière dans nos salles obscures...