Un OVNI qui nous vient de Grèce en forme de superbe parabole politique et sociale. Une famille vit en vase clos avec ses propres codes qui sont autant de défenses contre le monde extérieur : l’ennemi, le voisin, l’étranger, l’autre… Seul le père a le droit de sortir et approvisionne le reste de la famille. Les enfants ont l’âge adulte mais ne le savent pas, ils n’ont pas de prénom puisque le prénom est relié à la dénomination sociale et par là même au désir, ils sont nommés par leurs parents et se nomment entre eux par leur appartenance familiale : il y a le fils, l’aînée… Chacun espère pouvoir un jour quitter la famille, le jour où les poules auront des dents, c’est-à-dire le jour où une de ses canines tombera ! Le jeu de mots français est contenu également dans le titre grec qui peut se traduire par « dents de chien »… Et c’est bien une vie de chien qui est proposé à ses curieux enfants qui espèrent lorsqu’un avion traverse leur propriété (construite comme un blockhaus avec de hauts murs qui empêchent toute communication avec l’extérieur hostile) qu’il va tomber pour agrandir leur collection de jouets… car même la perspective est faussée. Et surtout, le langage est lui aussi codifié de façon singulière puisque les mots (et surtout ceux qui servent à désigner le monde extérieur) sont détournés de leur sens par les parents tyrans. La foufoune est une lampe, la salière un téléphone… La scène où le « grand-père » chante devant la famille sagement assemblée est un monument de cinéma… La seule « étrangère » à pouvoir pénétrer dans ce monde est une jeune femme chargée de satisfaire les appétits sexuels du fils, qui va bientôt semer la perturbation en introduisant le signifiant interdit par essence : le désir. Elle sera chassée et la sexualité désormais vécue sur le mode incestueux. La fin est d’une violence extrême et démontre l’impossibilité de s’échapper autrement que par la mort. Un film d’une valeur cruciale, qui dénonce tous les totalitarismes et expose la dureté extrême de la condition humaine.