Malgré son titre choc et mensonger de Cannibal Man et le visuel gore qui accompagnera souvent son exploitation internationale en VHS, La semana Del Asesino de Eloy de la Iglesia n'est pas tant un film d'horreur qu'un drame poisseux émaillé de quelques scènes horrifiques. Autant dire que si vous espérez des débordements bien gorasses et une histoire d'anthropophagie digne des pires bis transalpins vous risquez d'être fortement déçu par la nonchalante ambiance de drame intimiste et social du film.


La Semana Del Asesino (On va s'en tenir au titre original) raconte l'histoire de Marcos un type assez taciturne qui vit dans une vieille baraque située sur un terrain vague au pieds de tours d'immeubles toutes neuves. Ouvrier dans un abattoir, Marcos va, après une dispute, tuer par accident un chauffeur de taxi … Commence alors une spirale meurtrière lorsque Marcos commence à éliminer un par un toutes celles et ceux qui pourrait le dénoncer.


Si La Semana Del Asesino comporte bel et bien quelques séquences horrifiques et des images prises sur le vif d'un abattoir de l'époque, les scènes d'horreur graphique doivent représenter mise bout à bout à peine cinq minutes du film, autant dire que quiconque abordera le film dans l'espoir d'y voir un film choc sera fortement désappointé. Ce qui visiblement intéresse le plus Eloy de la Iglesia c'est de montrer la descente aux enfers d'un type qui semble s'enfoncer de plus en plus dans une chute mortifère et violente à mesure qu'il tente désespérément de s'en sortir et de remonter la pente. Pour tenter de garder secret un premier meurtre accidentel le personnage principal ne va cesser de tuer à nouveau dans une sorte de logique absurde et un engrenage dans lequel chaque disparition entraîne de nouveaux soupçons, donc de nouvelles investigations, donc de nouvelles visites et donc de nouveaux meurtres. Rythmé par l'immuable tempo des jours de la semaine qui s'égraine à l'écran, cette logique étrange et cyclique d'une visite / un meurtre deviendrait presque burlesque dans sa sinistre et absurde répétition. Mais attention je dis bien presque car rien ne prête vraiment à sourire dans La Semana Del Asesino à commencer par le personnage de Marcos, solitaire et ténébreux mâle latin paumé dans sa vie personnel et professionnel et vivant dans une vieille bicoque ressemblant au dernier vestige d'un bidonville alors que des immeubles nouveaux se dressent fièrement aux alentours. Petit employé dans un abattoir , Marcos s’occupe de charger les carcasses et les restes d'animaux dans une immense machine toute neuve, ce qui va s'avérer bien pratique pour tenter de se débarrasser des cadavres. Seule petite ouverture à peine lumineuse sur un avenir bien sombre pour Marcos avec l'étrange amitié teintée d'attirance amoureuse insidieuse envers un mystérieux type qui rôde autour de lui et sa maison .


Si le film n'est pas graphiquement d'une grande violence hormis deux trois scènes, il s'en dégage en revanche une ambiance assez putride et poisseuse. Il suffit de voir le personnage acheter des dizaines de bouteilles de parfums et de bombes désodorisantes pour que soudain l'odeur nauséabonde des chairs en décomposition nous remonte jusqu'aux narines. Tout semble irrémédiablement plombant et lourd, que ce soit la chaleur, le climat social, les interdits, le quotidien et cette vertigineuse descente vers une fatalité meurtrière bien plus encore que vers la folie. Car le plus effrayant avec ce personnage de Marcos, parfaitement interprété par le comédien Vincente Parra, c'est qu'il est tout sauf un malade ou un psychopathe et que son apparente normalité renvoie forcément au fait que tout à chacun pourrait pourrait au grès de circonstances malencontreuses partir en vrille, même si fort heureusement peu de monde chargerait sa semaine d'une demi douzaine de cadavres.


Pas très étonnant que le réalisateur Gaspar Noé aime beaucoup La Semana Del Asesino, on y retrouve cette même ambiance dépressive que dans Seul Contre Tous avec ce boucher ruminant sa haine de tous jusqu'à l'impardonnable. Pas forcément très agréable ni distrayant à regarder mais captivant de par son ambiance, La Semana Del Asesino est incontestablement un bon film même si j'avoue m-y être un peu ennuyer.

freddyK
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Seul Au Monde (Ou Presque), 1972 - Une Horrible Année et 2023 : Films vus et/ou Revus

Créée

le 23 août 2023

Critique lue 90 fois

4 j'aime

3 commentaires

Freddy K

Écrit par

Critique lue 90 fois

4
3

D'autres avis sur Cannibal Man - La Semaine d'un assassin

Du même critique

Orelsan : Montre jamais ça à personne
freddyK
8

La Folie des Glandeurs

Depuis longtemps, comme un pari un peu fou sur un avenir improbable et incertain , Clément filme de manière compulsive et admirative son frère Aurélien et ses potes. Au tout début du commencement,...

le 16 oct. 2021

76 j'aime

5

La Flamme
freddyK
4

Le Bachelourd

Nouvelle série création pseudo-originale de Canal + alors qu'elle est l'adaptation (remake) de la série américaine Burning Love, La Flamme a donc déboulé sur nos petits écrans boosté par une campagne...

le 28 oct. 2020

55 j'aime

5

La Meilleure version de moi-même
freddyK
7

Le Rire Malade

J'attendais énormément de La Meilleure Version de Moi-Même première série écrite, réalisée et interprétée par Blanche Gardin. Une attente d'autant plus forte que la comédienne semblait vouloir se...

le 6 déc. 2021

44 j'aime

4