Je déteste le numérique, il n'a jamais rien apporté au cinéma, que ce soit dans "Le seigneur des anneaux", "Avatar" ou pire, "L'attaque des clones".
Mais j'ai changé d'avis, depuis que j'ai vu "Capitaine Sky et le monde de demain". Je ne croyais pas écrire ça un jour, mais le numérique peut dégager une forme de poésie...
1939. Les zeppelins sillonnent le ciel, lequel est hérissé de gratte-ciels semblables au Chrysler building. Les capitales mondiales subissent des attaques inexpliquées de robots, et des savants disparaissent mystérieusement. Heureusement le capitaine Joseph Sky est là pour protéger Manhattan, depuis sa base aérienne dernier-cri. Et puis Polly Perkins, un ancien flirt de Sky, est contactée par un savant qui lui confie deux éprouvettes que les robots cherchent, et apprend que tout cela est l'oeuvre d'un certain Totenkopf. Avec le Captain, Polly part en Himalaya, puis sur une île mystérieuse à la recherche de Dexter, le fidèle sidekick de Sky enlevé par les robots.
Alors oui, c'est délicieusement rempli de clichés du vieux cinéma d'action, à la manière des "Aventuriers de l'arche perdue". A commencer par le couple vedette, Jude Law-Gwyneth Paltrow, qui ne cesse de s'engueuler. Si Sky est une caricature réjouissante de macho patriote à la Buck Rogers, Polly est une parfaite vamp des années 1940, arriviste, manipulatrice et colérique. Le film doit pas mal de son énergie à ce personnage féminin fort, un peu comme le premier "Indiana Jones" ou le premier "La momie".
Les dialogues sont inspirés ("Bon, tu avais saboté mon avion, oui ou non ?"). Il y a de bonnes idées, comme la frustration de Polly de ne pouvoir plus prendre que deux photos. Dans certains plans, ce salopard de Jude Law arrive à se composer une tête à la Gregory Peck, et de même, à la manière d'une Kate Blanchett dans "The Aviator", Paltrow se donne parfois de faux air de Katharine Hepburn.
Et que de références qui font plaisir ! On trouve autant de citations du "Rayon U" (la traversée d'un tronc gigantesque qui enjambe un gouffre), d'Hergé (ce réveil comique dans une lamaserie), de la SF des années 1950 (le compteur Geiger, le désintégrateur aux rayons en anneaux), et bien sûr des bobines Tesla, des robots à la façon du "Chateau dans le ciel" ou des vaisseaux de la "Guerre des mondes", mais aussi des références au "Monde perdu" de Conan Doyle... Quand la police appelle Sky à la rescousse, on voit le globe parcouru d'ondes radios concentriques, exactement comme sur le logo de la RKO. Paltrow et Lade avec des costumes années 1940 devant une porte sur fond de mur de brique, elle casse une vitre pour entrer... Une escadre de Spitfires amphibies attaquant un robot sous-marin... N'en jetez plus, c'est trop.
La musique fait penser au John Williams des grands jours. Quel plaisir de voir un héros fendre l'air de son Thundebolt pour sauver la situation sur un thème rappelant celui de Superman !
Venons-en au numérique, donc. Les acteurs ont tourné sur fond bleu, tout est en images de synthèse, et pourtant c'est mille fois mieux que "L'attaque des clones"... Pourquoi ? Tout simplement parce que l'incrustation des personnages est délibérément mal faite : ça FAIT STUDIO et ça, c'est magique. La caméra privilégie les plans resserrés et les champs contre-champs, comme dans les années 1940, et surtout, l'arrière-plan est délibérément flou. On le sent, que les acteurs jouent en studio, notamment dans ces scènes de cockpits, mais c'est d'autant plus amusant.
De même, l'univers est délibérément fantaisiste, sans souci de vraisemblance, et c'est très bien comme ça : un porte-avion aérien à la Robur le Conquérant ; Sky traversant le Pacifique jusqu'en Himalaya sans dormir ou refaire le plein...
Parmi mes quelques réserves :
- l'image abuse un peu des effets de halos.
- Le personnage de la combattante asiatique en capuchon noir à la "Assassin's creed" fait un peu trop manga ou jeu vidéo.
- Totenkopf aurait fait un superbe méchant, dommage que le développement du scénario nous prive d'une confrontation. C'est une fin intelligente, mais qui laisse quelques regrets.
- Le casting est fort bon (savoureux Giovanni Ribisi en sidekick), mais aurait peut-être pu être encore meilleur (sans doute un problème de cachet ?). J'aurais adoré voir un acteur comme Jeremy Irons cabotiner en faisant le méchant. Et si Angelina Jolie s'en sort bien dans son rôle de commandant borgne... on ne voit qu'Angelina Jolie. Au-delà d'un certain stade de célébrité, on fait du mal à un film. Idem, Paltrow s'en sort bien, mais j'aurais vraiment aimé voir ce que le film aurait donné avec Rachel Weisz.
- Les dernières scènes d'action sont un peu laborieuses... Un compte à rebours, franchement... Il y a des clichés qui passent et d'autres moins, d'autant que dans cette dernière séquence on retrouve un des travers du film d'action actuel : tout ce que les héros traversent explose derrière eux, c'est inutilement fatiguant.
- De même, les scènes d'ensemble montrant plein de robots comme dans les derniers "Star Wars" ne me touchent pas vraiment
Ce ne sont que des réserves... J'ai pris un pied phénoménal à suivre cet espèce de BD pulp, qui a trouvé exactement jusqu'où se aller dans le second degré. Bien joué, Dex.