Caprice
6.7
Caprice

Court-métrage de Joanna Hogg (1986)

Une jeune fille rangée, Lucky (Tilda Swinton dans son tout premier rôle !), guette impatiemment la parution de son magazine de mode préféré, l’éponyme « Caprice ». Par une faveur toute spéciale accordée à la plus fidèle lectrice, elle est autorisée à se glisser dans les pages de la revue et à en explorer l’univers. Commençant dans les couleurs acidulées d’une bonbonnière et le tournoiement émerveillé des jolies robes, l’aventure prend bien vite les allures d’un film expressionniste allemand, lorsque Lucky s’enfonce dans le tunnel du périodique et se voit assiégée d’incitations à l’achat. Après un détour par le tournage d’un clip musical, qui confronte la jeune femme au narcissisme et au cynisme indifférent de son idole, puis une convocation par les hautes sphères, Lucky ne peut que prendre la fuite, éperdue, et radicalement désenchantée.


Première réalisation de Joanna Hogg, puisqu’il s’agit là de son film de fin d’études, ce court-métrage de moins d’une demi-heure révèle d’emblée une écriture riche, apte à passer d’un genre à l’autre, de la comédie sucrée au clip musical, sans oublier le film d’horreur, du réalisme à une sorte de fantastique, lui-même nourri de capsules de réalisme, et jouant de différents mondes chromatiques. D’emblée, se trouve présente la question des apparences et de leur dépassement, du masque et de son arrachement, même si elle se trouve ici circonscrite à la fascination exercée par les magazines de mode.


Enfin, pour qui a découvert, dans « The Souvenir. Part II », la nouvelle version, imaginaire, du film de fin d’études qu’est censée avoir réalisé l’héroïne, double à peine voilé de la réalisatrice, il est intéressant de revenir à l’œuvre initiale, marquant l’entrée dans le monde de la fiction cinématographique. Les thématiques de ces deux courts-métrages distants de trente-cinq ans diffèrent profondément, puisque le second cerne la traversée du deuil, mais un élément du décor relie toutefois, significativement, les deux films : les escaliers qui s’élèvent élégamment en arrondi, et comme sans support, pour transporter l’héroïne vers le monde surréel. Un motif qui pourrait à lui seul symboliser l’univers de la talentueuse réalisatrice britannique.

AnneSchneider
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le 16 févr. 2022

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Anne Schneider

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