La phase 3 du gargantuesque MCU débute avec un troisième film Captain America qui est en fait une sorte de demi-Avengers, puisque opposant Cap’ à Iron Man, tel le synopsis du comics Civil War. Ce sont les frères Russo qui poursuivent ainsi leur travail dans le MCU initié avec le correct Captain America Soldat de l’hiver, ce qui ne me laissait pas espérer un film incroyable mais pas non plus redouter un échec. Au final, j’y ai trouvé l’une des productions du MCU qui m’aura le plus convaincu, sans non plus être exceptionnel bien entendu, MCU oblige j’ai envie de dire, voyons cela plus en détails.
Je parlerai également de l’adaptation en tant que telle du comics, dont je n’ai lu que la réédition de la collection must-have de Marvel dont on m’a dit qu’elle était complète et fidèle à l’œuvre originale, parmi les plus populaires de la saga Avengers en bande-dessinée soit dit en passant.
SCENARIO / NARRATION : ★★★★★★★☆☆☆
Différents éléments du comics original ont été modifiés avec intelligence pour mieux s’intégrer au MCU, à son univers beaucoup plus restreint, et ce n’est pas nécessairement un mal. Le point de départ de l’intrigue repose par exemple en grande partie sur les grandes batailles des précédents films plutôt que sur un seul événement en début d’intrigue, c’est plutôt bien vu d’autant que de courtes scènes savent rappeler les événements les plus importants. Le rythme est très différent, là où le comics fait s’affronter nos deux protagonistes frontalement très rapidement, le film rend cette escalade beaucoup plus progressive. J’avoue préférer largement ce choix tant rien ne laisse supposer dans le MCU avant ce film qu’un réel conflit peut opposer les deux personnages qui ont déjà appris à mettre leurs différents de côté pour s’unir contre un mal plus grand que leurs petites querelles.
La grande liberté d’adaptation discutable selon moi c’est le fait qu’un antagoniste dans l’ombre est à l’origine de la guerre civile avec beaucoup d’éléments personnels motivant les décisions des deux meneurs, là où le comics la rendait totalement idéologique. Ça fait perdre de son sens au matériau original et de la profondeur au récit, c’est un petit peu dommage. On retrouve bien ces débats entre super-héros autour de la thématique de leur encadrement ou de leur liberté, mais c’est assez rapidement secondaire. En même temps, je trouve qu’ils ont très bien géré les révélations pour que le règlement de compte personnel soit prenant, tout en restant dans cet effort de s’intégrer au MCU plutôt que d’en être une histoire parfaitement indépendante, du coup je ne vois pas nécessairement ce traitement comme un problème.
Concernant ce traitement différent et la fin qu’il amène :
Contrairement à beaucoup, je ne dirais pas que la guerre civile de ce film s’avère sans conséquences. C’est sûr que le monde ne semble pas tant changé que ça par rapport aux bouleversements apportés par les événements du comics, mais le début d’un Tony Stark fragilisé émotionnellement devenant plus sombre et plus mature n’est pas anodin étant donné l’importance du personnage dans le MCU et le rôle primordial qu’il tiendra dans les plus importants des récits à venir. De la même manière, les premiers échanges entre différents héros permettent d’amorcer en douceur leur intégration grandissante à l’univers sans les y catapulter d’un coup, un travail de préparation essentiel vu les ambitions des prochains films Avengers réunissant toujours plus de personnages.
Ce que j’ai réellement aimé dans ce récit est ailleurs : je pense que le film a superbement bien géré le basculement entre le divertissement et le film à enjeux. D’une part, on a cette bataille de l’aéroport qui n’est ni plus ni moins qu’un terrain de jeu où les héros s’affrontent dans la bonne humeur sans chercher à se faire mal et en plaisantant toutes les 5 minutes. D’autre part, on a cette réelle mise en danger d’un personnage a minima attachant qui surprend véritablement et qui justifie parfaitement un affrontement beaucoup plus intense malgré toute la désinvolture qu’il y a pu y avoir avant. Ça illustre assez bien ce savant mélange à mes yeux que je retrouve dans l’ensemble du film.
Si le film a le bon goût de ne pas aller dans l’overdose de personnages du comics, il ne pourra pas s’empêcher d’être un peu gourmand en introduisant au MCU avec lui deux personnages majeurs à suivre : Spider-Man et Black Panther. Je ne suis pas particulièrement client de cette pratique d’introduire de nouveaux héros dans des films qui ne leur sont pas dédiés, mais ils apportent tout deux quelque-chose d’assez intéressant au récit. L’un plutôt dans le ton du drame alors que l’autre dans celui de l’humour, je les associe également à cet équilibre que j’ai donc tant apprécié.
Pour le casting propre à cet épisode, je suis très client du jeu de Daniel Brühl en antagoniste impitoyable et méthodique et j’apprécie les choix pour les héros à venir avec Chadwick Boseman pour Black Panther qui arrive déjà à insuffler beaucoup de noblesse à son personnage et Tom Holland pour Peter Parker qui délivre sa prestation avec toute l’énergie débordante voulue. Les acteurs les plus récurrents peuvent y délivrer également de belles performances, à l’image de Robert Downey Jr qui oscille entre la rage et la tristesse avec beaucoup de justesse. C’est donc plutôt très solide de ce côté-là également.
Qu’est-ce qu’il manque à ce récit alors pour pleinement m’emporter ? Il y a tout de même quelques incohérences et raccourcis scénaristiques qui viennent limiter le potentiel de cette adaptation : l’utilisation du soldat de l’hiver pour une mission qui ne le nécessitait pas du tout dans les faits mais il fallait que ce soit lui pour le propos développé, un personnage en connaissant les détails mais sans rien pour l’expliquer, Captain America qui se retrouve beaucoup trop rapidement d’un point à un autre du globe, Zemo capable de s’infiltrer dans une base très protégée avec peu d’éléments pour l’expliquer… c’est plein de petits détails qui ne m’ont pas gêné véritablement, mais ils sont tout de même là pour m’empêcher d’élever l’appréciation au-delà du « simple » divertissement, simple n’est d’ailleurs peut-être pas le bon mot.
RÉALISATION / ESTHÉTISME : ★★★★★★★☆☆☆
S’inscrivant parmi les productions les plus coûteuses du MCU avec son colossal budget de 250 millions de dollars, Civil War remplit bien sûr haut la main et sans surprise sa promesse de grand spectacle. Certains diront que c’est encore heureux étant donné ces moyens déployés, mais on a déjà vu de très grosses productions terriblement mal s’en sortir et les attentes étaient hautes pour ce début de la phase 3 devant témoigner d’une montée en puissance de la franchise ou tout du moins de son maintien depuis L’ère d’Ultron, Ant-Man étant une parenthèse assumée, une parenthèse que j’apprécie grandement par ailleurs.
Les metteurs en scène ont su très bien exploiter à la fois comment les différents pouvoirs et capacités de nos héros pouvaient se combiner comme se neutraliser, la bataille de l’aéroport mentionnée plus tôt en est une compilation particulièrement démonstrative. Sa générosité et son ingéniosité sont incontestablement maîtrisées de bout en bout en enchaînant les lancées de bouclier de Cap, les tirs à l’arc d’Haweye, les changements de taille d’Ant-Man, les toiles de Spider-Man, les explosifs d’Iron Man... et c’est quand même ultra-attendu d’un tel film.
Le duo de réalisateurs est parvenu en cerise sur le gâteau à offrir des plans fan-service mémorables comme l’affrontement de 12 héros sur une même image ou toute l’intensité d’un duel au sommet. Qui plus est le rajeunissement numérique de Tony Stark pour une séquence de flash-back est très convaincant et c’est un exercice qui aurait pu vite être manqué et gâcher une scène importante. Les idées de mise en scène accompagnant les héros inédits sont suffisamment développées pour apporter quelque-chose tout en s’en gardant sous le pied pour dévoiler bien des surprises dans leur film respectif à venir, là encore le film remplit parfaitement son rôle d’introduction à la phase 3 en plus d’assurer le show.
Le recours un peu abusif à la shaky cam, c’est-à-dire au tremblement de la caméra, et au sur-découpage de la moindre scène d’action, malheureusement assez symptomatique du travail habituel des réalisateurs, est le principal reproche que je ferais à la mise en scène. Ce n’est pas surprenant, ce n’est pas dramatique, disons que cela suffit à modérer mon appréciation de ce travail sans franchir pour autant mon seuil de tolérance donc là encore je n’en tiendrais pas plus rigueur que ça. Même commentaire pour l’OST d’Henry Jackman, faisant le travail mais en manquant cruellement d’identité et de moment de grâce.
Et une fois encore, il est dommage que le film n’aille pas jusqu’au bout visuellement de la maturité qu’il peut afficher par moment, comme les morts collatéraux qui lancent l’intrigue, hors-champ. L’impact émotionnel aurait pour moi été bien plus fort si l’on avait vu plusieurs personnages avec quelques répliques attachantes se faire brutalement tuer au cours de cette opération. Toutes les questions soulevées par le récit suite à cet indicent, le moteur de l’intrigue, m’auraient paru encore plus concrètes parce que j’aurais ressenti davantage la disparition de ces personnages ici trop anonymes en raison de leur mise en scène. On est encore une fois dans un film suffisamment violent visuellement pour être déconseillé aux plus jeunes, mais orienté trop grand public pour se permettre une certaine violence graphique, ça manque pour intensifier les enjeux du récit.
CONCLUSION : ★★★★★★★☆☆☆
Je comprends qu’on puisse ne pas du tout aimer cette adaptation très différente du comics ou ne pas rentrer dans son ton basculant entre humour et sérieux, personnellement j’ai grandement apprécié ces différents partis pris pour ce film de divertissement qui aura su m’impressionner par ses affrontements très bien chorégraphiés, me faire marrer avec un ton léger parfaitement maîtrisé et m’émouvoir assez surprenamment avec de bonnes idées et de biens solides performances d’acteur à la clef. Il reste des problèmes d’écriture, de maturité, de mise en scène… ici ou là pour que Civil War se heurte au plafond de verre des meilleurs films du MCU, ce qui ne m’empêche pas de l’apprécier.