Viggo e(s)t Bo
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Il est des films qui fonctionnent un peu comme un rituel d’inhabitude : ils reviennent à intervalles plus ou moins réguliers, nous proposent une sortie des rails, une bouffée d’oxygène et une remise en question de nos modes de vies, au moins le temps d’une séance. Les figures qui s’y déploient suscitent avant tout l’enthousiasme, qu’il s’agisse du Christopher d’Into the Wild ou des familles désaxées d’A bout de course : le miroir déformant qu’ils nous tendent sont un appel à la liberté et à l’abolition d’un carcan qu’on n’a pas vu venir, et qui pourtant l’a emporté depuis longtemps.
Forcément, dans ce genre de film, la vision est souvent idéalisée, et le Captain, pour être fantastique, l’est à peu près sur tous les tableaux. Les situations assez jubilatoires s’enchaînent et Matt Ross nous vend son concept de vie sauvage avec l’efficacité d’un publicitaire chevronné : la forêt est belle, les montagnes grandioses, les récoltes fastes et les corps vigoureux. Et, surtout, l’éducation aussi libertaire qu’efficace. Le fait de ne jamais mentir aux six enfants occasionne des instants de comédie tendre et lucide, mais aussi l’appréhension de problématiques plus dures, comme la maladie, le décès et la confrontation au monde que leurs adversaires qualifient de « réel ».
Viggo Mortensen est parfaitement convaincant en patriarche eco-warrior, et les enfants crédibles, car on a soin de nous montrer à quel point leurs points de vue résultent avant tout d’un mimétisme manquant cruellement d’une possible contradiction. C’est là que s’annonce la nécessaire sortie du cocon auto-suffisant pour aller frayer dans la civilisation, à l’occasion d’un enterrement qui rappelle sur bien des points la virée indé de Little Miss Sunshine. La comparaison au reste de la famille, un modèle d’intégration à l’américaine, génère ainsi des moments souvent comiques, notamment dans cette façon de servir du vin ou la vérité crue à tous les convives.
Puisqu’il faut évoluer, et redéfinir ce que la longue et séduisante exposition nous a établi, le scénario multiplie les directions en s’égarant à quelques reprises. Rebondissement, fausses pistes (le malaise dans le supermarché, la fugue de l’un, l’accident de l’autre, l’abandon, les rasages divers…) hésitent et ne savent plus trop sur quel pied danser, même si l’on sait que ce doit être au rythme d’un tambourin.
Cette volonté d’aboutir à un compromis, de jouer la carte de la raison tout en maintenant l’affirmation d’une liberté totale reste donc assez laborieuse.
On peut aussi s’étonner de voir le film récompensé par le prix de la mise en scène dans la section Un certain Regard à Cannes : certes, la photographie, valorisant l’aspect bariolé et hippie de la bande, est plaisante. Mais les dérives clipesques sur une musique rappelant les moments pénibles de Sigur Ros ne sont pas toujours du meilleur effet.
Mais on prendra ce qui fait la saveur un peu adolescente et rebelle de cette joyeuse communauté : l’idée d’un Noam Chomsky day pour remplacer Noël, les réguliers coups de lattes envoyés à la communauté chrétienne et au consumérisme obscène, ou une crémation équitable assez revigorante.
De quoi souffler un moment.
(6.5/10)
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Créée
le 3 nov. 2016
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