La planète des pingres
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Le film de SF est devenu ces dernières années une denrée tellement courante après des décennies de disette - en particulier du fait de Netflix, qui porte le genre avec une conviction étonnante, sans pour autant faire des étincelles ! - que la sortie de ce "Captive State", réalisé par un quasi-inconnu et avec une distribution quasi-anonyme (en dehors du toujours impeccable John Goodman, ici dans un contre-emploi original…) ne suscite pas forcément beaucoup d'intérêt.
Nous nous trouvons par contre devant une tentative audacieuse de mener le genre sur des terrains plus originaux : un peu comme pour "District 9", nous voilà quelques années après l'arrivée d'extra-terrestres… sauf qu'ici nous avons été colonisés et réduits à un "esclavage soft" par ces étranges créatures, décidées à exploiter sans vergogne toutes les ressources de la Terre, et ce avec la complicité des gouvernants humains. On voit donc rapidement se dessiner une intéressante parabole politique, quasiment d'extrême-gauche : car cette planète qui court à sa perte, sous l'égide de dirigeants sans états d'âme quant à la paupérisation croissante de 99% de la population mondiale, et qui utilisent l'illusion démocratique pour anesthésier toute volonté de résistance (illusion démocratique qui s'efface vite en cas de "coup dur" derrière la répression policière et militaire…), cela nous dit forcément quelque chose en 2019, non ?
Pour rendre ce "pamphlet politique" plus digeste, surtout aux USA, on a imaginé suivre dans "Captive State" une résurgence de la résistance contre l'envahisseur et contre les forces de collaboration, issue des quartiers populaires de Chicago et incarnée par un leader afro-américain légendaire... Un sujet qui pourrait facilement renvoyer aux gamineries de "Star Wars" ou de "Divergente", mais qui heureusement intègre non sans lucidité son statut de "terroriste", utilisé par le pouvoir ennemi, et évite donc les clichés romantiques hollywoodiens du genre. Rupert Wyatt décline ici des situations somme toute déjà vues maintes fois dans les films traitant, par exemple, de la Résistance contre les Nazis : réseau clandestin, communication périlleuse, noyautage réciproque des organisations, trahisons, torture, sacrifice pour la cause, etc. Comme nous sommes à l'âge du "twist", le scénario intègre donc, en cerise sur le gâteau, une manipulation - que l'on peut quand même deviner avec un peu d'attention - dont les tenants et aboutissants ne seront révélés que dans les toutes dernières images du film, et qui permet de clore ce film fondamentalement très sombre sur une note légèrement positive.
Bref, un programme qui tranche par son intelligence sur le tout-venant, rehaussé en plus par de belles idées visuelles quant à l'apparence des envahisseurs, que l'on peut presque qualifier de jamais vues… mais qui ne débouche malheureusement pas sur le GRAND FILM renouvelant le genre que nous attendons tous… Et la faute de cet échec - indiscutable - en revient directement à la mise en scène, qui échoue du premier au dernier plan à rendre le moins du monde compréhensible ce à quoi nous assistons : trop de personnages que Wyatt ne sait pas faire exister, trop de situations complexes que le choix - certes compréhensible vu le sujet - d'un filmage façon "caméra embarquée en zone de guerre" - rend illisibles, un rythme général terriblement mal géré, conduisant à un sentiment de platitude harassante... Et un décrochage progressif du spectateur qui finit par s'ennuyer ferme devant ce qui aurait dû être un thriller stimulant et subtil.
"Captive State" s'avère donc une terrible déception par rapport aux espoirs que son sujet avait fait naître. Il est pourtant difficile de ne pas recommander à chacun d'aller quand même le voir : si le divertissement n'est pas au rendez-vous, il reste une ambition politique totalement inhabituelle qui peut justifier d'investir 2 heures de son temps devant ce film.
[Critique écrite en 2019]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2019/03/23/captive-state-ou-lappel-manque-a-la-rebellion/
Créée
le 22 mars 2019
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