Comme je le disais dans mon texte sur le film japonais Comme un Lundi, les films de boucle temporelle sont bien ancrés dans la pop culture et de nombreux films traitant de ce sujet sont déjà sortis, le plus connu de tous étant bien entendu Un Jour sans Fin (1993) d’Harold Ramis avec Bill Murray et son fameux jour de la marmotte, bien qu’il y en ait eu bien avant lui. On va s’intéresser aujourd’hui à la façon dont la Corée du Sud va en 2017 mettre en scène cette thématique avec Car Crash, A Day en VO, seul et unique film à l’heure où j’écris ces lignes, de Jo Sun-Ho, également scénariste du film. Joli succès en Corée du Sud, dépassant la barre symbolique du million d’entrées, Car Crash a été présenté en première mondiale au Festival International du Film Fantasia 2017 où il a remporté le Prix du Public “Bronze” dans la catégorie Meilleur Long Métrage Asiatique, ou encore une mention spéciale au Fantasporto de 2018. Cette version coréenne de la boucle temporelle est clairement une réussite et Car Crash va rapidement se démarquer de la concurrence pour nous proposer une expérience cinématographique assez stupéfiante.
Le principe est déjà vu, avec chaque boucle qui va nous en apprendre un peu plus, aussi bien sur les personnages, leur passé, leurs connexions, que sur la façon dont cette boucle pourrait s’arrêter via les diverses tentatives des protagonistes. L’effet de redondance avec cet évènement qui se répète n’est pas présent ici grâce à un montage intelligent et des idées subtiles venant sans cesse amener de l’eau au moulin afin de développer l’intrigue et accrocher le spectateur. Car Crash a cette force de nous immerger immédiatement et de ne plus nous lâcher 1h30 durant, en arrivant à maintenir une tension très bien gérée par un scénario bien plus complexe et intelligent qu’il n’y parait. Au fur et à mesure que l’histoire progresse, le réalisateur Jo Sun-Ho injecte une puissante dose de chagrin et de vengeance en tant qu’éléments moteurs. Son scénario est assez brillant et il est très difficile de deviner à l’avance pourquoi cette boucle temporelle est présente. Il est impossible de regarder Car Crash de manière oisive, il vous embarque avec lui et on sent un réalisateur en pleine confiance et en pleine possession de ses moyens. Son sens du rythme est excellent, il fait toujours en sorte que les révélations se succèdent de façon très fluide, son film est bien construit et plutôt cohérent. Il y a suffisamment d’action pour détourner l’attention des points qui ont un peu moins de sens car, oui, si on se pose un peu, on voit malgré tout certaines incohérences, mais le spectateur n’a pas réellement le temps de s’y attarder. Car Crash va mêler sa thématique de la boucle temporelle avec celle d’inconnus qui vont être lié par un évènement passé et on ne va pas forcément toujours suivre le même point de vue. Bien entendu, tout va s’entrechoquer, se mélanger, et avec 1h27 au compteur, Car Crash n’a jamais de temps à perdre. Et pourtant, jamais il ne brusque les choses, jamais il ne se perd en route malgré sa course effrénée.
Ces boucles temporelles, avec d’un côté un homme qui voit sa fille mourir et de l’autre un autre homme qui voit sa femme mourir, sont aussi là pour renvoyer au traumatisme émotionnel auxquels les gens sont confrontés lorsqu’ils perdent un être cher sans qu’ils puissent y faire quoi que ce soit. Toutes les premières boucles, vaines quoi que le héros fasse, en sont l’exemple même. A travers ces boucles temporelles, le réalisateur se concentre sur les relations humaines ainsi que sur les différentes zones d’ombre qui peuvent exister en chacun d’entre nous. Les divers flashbacks sont là pour nous le rappeler et on comprend rapidement que les bons ne sont jamais vraiment bons à 100%, et que les mauvais sont aussi parfois mauvais pour une bonne raison. Car Crash arrive même à nous faire avoir de l’empathie pour celui qui cause l’accident car il est assez malin dans les thématiques qu’il développe, que ce soit le regret, les dilemmes moraux, la vengeance ou encore le pardon. C’est tout con mais derrière son concept, le film nous amène à réfléchir sur la morale humaine et même sur la vie en général. Pourtant, malgré la lourdeur de ce qui nous est présenté (une jeune enfant qui est percutée par une voiture au point d’en mourir sur le coup), le scénario arrive à insuffler quelques éléments plus légers qui fonctionnent surtout grâce aux talents des acteurs, plus particulièrement du trio principal, qui livrent ici une excellente performance et s’investissent à fond. On regrettera peut-être une bande-son qui en fait parfois trop, comme souvent dans le cinéma coréen, envoyant par exemple des violons bien forts pour nous signaler que c’est là qu’il faut être triste. Mais ça serait bouder son plaisir dans ce qui s’avère être un excellent exemple sur la façon d’utiliser les boucles temporelles au cinéma, tout en nous faisant réfléchir sur tout un tas de thématiques telles que la vie, la mort, le temps et l’attention à consacrer aux gens qu’on aime, ou encore la façon dont la rancune peut causer des dégâts inextricables.
Si vous aimez les films sur les boucles temporelles, alors jetez un œil au très bon film coréen Car Crash (A Day en VO) qui va vous coller à votre siège 1h30 durant, avec son excellent casting et son scénario plus intelligent qu’il n’y parait.
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-car-crash-revivre-ou-perir-de-jo-sun-ho-2017/