À tombeau couvert
Carancho commence comme À tombeau ouvert de Scorsese, par une plongée dans les gardes de nuits et les accidentés de la route. Un montage alterné permet un double portrait assez trompeur et intriguant...
le 18 août 2016
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Carancho commence comme À tombeau ouvert de Scorsese, par une plongée dans les gardes de nuits et les accidentés de la route. Un montage alterné permet un double portrait assez trompeur et intriguant : d’un côté, une droguée qui se révèle médecin, de l’autre, un altruiste anonyme qui se révèle charognard au profit d’une compagnie d’assurances véreuse.
Cette rencontre sur fond de chaos permanent est la première réussite du film : des êtres brisés dont le quotidien consiste à réparer les dégâts d’un monde qui semble se rompre en permanence, et sur les ruines duquel on parvient encore à tirer profit.
Ricardo Darin a toujours aimé joué les arnaqueurs, et l’Argentine elle-même explore souvent ce sujet, des Neuf Reines à El Aura : l’escroquerie est au cœur du système, et Carancho (le rapace, le charognard) a aussi pour ambition de faire l’état des lieux d’une société tentaculaire dont on ne peut vraiment s’extraire sans compromission morale. De ce point de vue, le couple, déjà bien abîmé par la vie et la logique tragique des événements empêchant quiconque d’avancer fonctionne plutôt bien, surtout lorsqu’elle oppose aux machinations la détresse réelle des victimes et les possibilités d’une vie sincère, à l’image de cette séquence d’anniversaire.
De la même manière, le regard sans concession porté sur le milieu hospitalier achève la démonstration : même du bon côté de la loi, l’étouffement est en vigueur, exploitant la jeune interne jusqu’aux limites de ses capacités physiques, en dépit du manque de moyens et d’une atmosphère dans laquelle les blessés continuent à se battre à l’intérieur même des salles de soin.
Malheureusement, la volonté d’accentuer les effets du thriller délaisse cette ambition réaliste au profit d’une intrigue qui ne cesse de s’enliser dans la surenchère. Vengeance du milieu dont on veut s’extraire, passages à tabac, mallette de billets, rien ne nous est épargné, jusqu’à un double final pas loin d’être grotesque dans sa tentative de rejouer les codes des arnaqueurs dans une nouvelle optique. On n’en demandait pas tant, et ces excès édulcorent grandement les promesses initiales, plus modestes mais autrement plus substantielles.
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le 18 août 2016
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