Carnage chez les Puppets aborde la marionnette comme un avatar de ces populations contraintes de vivre en marge de la société, des pauvres aux immigrés, populations qui subissent de plein fouet la précarité de leur condition à grands coups de violences policières, de drogues et autres activités illégales ou amorales.
Car derrière la parodie bouffonne et vulgaire – parodie du buddy movie policier, parodie des films de Muppets – se cache un propos politique toujours d’actualité ; et le décalage parodique permet de représenter au sein de la comédie toute une galerie de personnages caricaturaux et caricaturés qui sont des types, qu’il s’agisse des prostituées ou des camés, des agents de l’ordre violents et idiots ou des vedettes de la télévision. Le choix de la marionnette produit un effet contradictoire : il s’empare d’un support réservé aux enfants pour mettre en scène la débauche – comme le faisait Ted, par exemple –, il incarne la débauche pour accentuer le caractère enfantin de ces êtres délurés mais fragiles, une simple attaque de chiens suffisant à démembrer un corps, à vider son contenu. La couleur de leur frimousse équivaut à la couleur des cristaux qu’ils absorbent et qui leur rongent le cerveau.
Le film de Brian Henson se saisit donc d’un personnel de nature éducatif pour mettre en scène la corruption, de même que nous quittons les étoiles de Los Angeles pour tomber dans ses bas-fonds, des marchands de pornographie sordides aux ruelles mal famées. Le couple de protagonistes principaux fonctionne sur cette logique de dégradation : Phil Philips est rejeté par le siens et doit subir les humiliations perpétrées par les humains, Connie Edwards, parce qu’admise dans une clinique réservée aux Puppets, a perdu la considération de ses pairs ; ensemble, ils forment une brigade-fantôme contrainte, pour survivre, de démêler des affaires sordides, entre deux punchlines. Car le film, assez drôle, n’y va pas avec le dos de la cuillère. Son humour est sale, viscéral, exploite tout ce qui, d’ordinaire, est exclu : certaines séquences risquent de perturber le spectateur par leur mauvais goût – une scène dans un vidéoclub, une autre dans le bureau du détective privé, obscènes ! – mais participent à cette représentation du bas, à cette esthétique du dévoiement de l’innocence.
Malgré une réalisation passe-partout qui échoue à imposer à l’ensemble une véritable patte, Carnage chez les Puppets reste une curiosité audacieuse et détonante, portée par une Melissa McCarthy en grande forme (comme d’habitude !).