Two Lovers
Avec cette mise en scène, que ne renierait pas Wong Kar Wai version In the mood for Love, la discrétion des sentiments sied parfaitement à une nomenclature esthétique au souffle court, qui fait...
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le 13 janv. 2016
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D'abord une réflexion que m'a inspiré Carol : les amours homosexuelles effectivement consommées sont moins aliénantes, plus égalitaires (sinon plus décentes), quand elles sont féminines.
Entrons dans le détail du film. Durant les premières minutes, le réalisateur prend le temps d'installer le New-York du début des années cinquante et le cadre de vie de ses deux héroïnes; cela, je pense, dans un souci d'introduire son sujet en douceur, de la façon la moins sulfureuse possible. J'ai alors un peu craint de m'ennuyer et même de m'assoupir dans cette atmosphère feutrée, assez bourgeoise, corsetée, toute en regards et en non-dits. Cependant, en quelques jours (entre Noël et Nouvel An), l'histoire prend tournure, des paroles sont dites, un voyage à deux aussi insolite qu'impromptu s'effectue et... on s'intéresse alors vraiment à cet amour qui, à peine né, foudroie le coeur et le quotidien de ces deux femmes, l'une de 28-30 ans, très vraie, très touchante, l'autre de 40-45, sorte de rêve improbable, mais toutes deux très belles, voire éblouissantes, puisque jouées (et merveilleusement) par Rooney Mara (moderne réincarnation d'Audrey Hepburn) et Cate Blanchett, actrice sublime et chiccissime s'il en est.
On est aux antipodes de "La vie d'Adèle" . Même quand Todd Haynes filme leur première grande scène d'amour charnel, leurs deux corps nus enlacés, il parvient à faire coexister pudeur, tendresse et passion, sans que la prise de vue ne paraisse hypocrite, ampoulée ou ridicule. La réalisation s'appuie, il est vrai, sur une très solide adaptation scénaristique d'un des premiers romans de Patricia Highsmith (d'abord publié sous pseudonyme, en 1952, du fait de son thème lesbien), adaptation qui décrit très bien l'évolution et les péripéties de cette relation amoureuse particulière, ainsi que les obstacles ou difficultés qu'elle rencontre dans le cadre d'une Amérique des années cinquante très puritaine et conventionnelle, même dans ses milieux les plus évolués. Ce scénario a le concret du vécu, le Patricia Highsmith qu'il adapte étant très probablement d'inspiration autobiographique.
Il faut mettre aussi au crédit du film une excellente utilisation de la musique (notamment classique) qui souvent supplée aux mots, tout en participant au climat particulier (chic bon genre, raffiné, mais déterminé, convaincu) qui caractérise cette histoire. Et tandis qu'elle se déroule (sur presque deux heures), on prend progressivement conscience qu'on est en train de suivre un vrai chef d'oeuvre du genre, l'égal ou quasiment de Mort à Venise et de Brokeback Mountain. On en vient même à se réjouir que cette love affair, hors normes pour l'époque (et qui, à mi-chemin du film, paraissait compromise), connaisse contre toute attente une fin heureuse.
Bref, l'ouverture du paquet exige un peu de patience mais... un chef d'oeuvre est à l'intérieur.
P.-S. : Quelque trois mois après la rédaction de cette critique, je réalise, en comparant Carol à d'autres opus de Mon Top 250 films (tous genres et années confondus) que "9" pour le Todd Haynes, c'était sans doute un peu surnoté. Je lui retire donc un point, ce qui le fait passer de "chef d'oeuvre" à "très bon film" (dans mon barème de notation).
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Créée
le 14 janv. 2016
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