Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu Caroline Chérie.
Je l'aime bien mais je ne cours pas particulièrement après. Dans mon souvenir, ce film légèrement coquin pour son époque était léger et primesautier comme son héroïne.
Une sorte d'Angélique sous la révolution sans qu'elle ait pour moi le même charme.
La lecture des livres était elle aussi assez lointaine.
Ce fût donc une redécouverte.
Hé bien ce n'est pas aussi léger et primesautier que ça.
Certes le personnage de Caroline l'est mais pas l'histoire. On entre beaucoup plus dans la révolution que dans mon souvenir et certaines scènes sont d'une grande noirceur comme celle de la prison de la Conciergerie avec l'appel funeste de bon matin ou bien, encore pire, la maison de santé.
La dichotomie entre Caroline, la narration ironique et pleine d'humour qui la suit (dite parfaitement par Jean Debucourt), et les faits historiques qu'elle traverse donne un film non pas en demi teinte mais avec du relief.
L'insouciance, l'égoïsme, l'égocentrisme de Caroline se heurte à des évènements implacables et non édulcorés.
Je n'oublie pas que l'auteur de Caroline Chérie est avant tout un essayiste renommé et académicien qui s'est amusé un peu mais n'a pas renoncé à l'exactitude historique.
Un jolie surprise donc que ce recalibrage de "Caroline Chérie" dans mon esprit.
Certes cela n'en fait pas un chef d'oeuvre même si la mise en scène tire bien parti de ses atouts mais dont on sent les moyens un peu limités en ces temps d'après guerre.
Le film tire sa qualité d'une part de l'histoire racontée et des dialogues de Jean Anouilh qui bien que pouvant paraitre niais à des oreilles modernes sont plutôt poétiques et irréels comme pour mettre encore en relief la réalité et la noirceur des évènements.
Martine Carol est fort charmante et appétissante même si ses capacités de jeux ne sont pas au niveau de ses partenaires. Elle se tire néanmoins plutôt pas mal d'un personnage difficile à rendre sympathique mais qui grandit au cours du film. Si elle semble stagner dans la première heure, son évolution d'enfant à femme adulte et forte durant la seconde heure est bien menée.
Elle est entourée pas les excellents Jacques Dacqmine en Gaston de Sallanches séduisant, coureur mais honorable, Marie Déa en Mme de Coigny merveilleux personnage de femme courageuse et digne, Raymond Souplex en médecin véreux et odieux, Paul Bernard en charmant et touchant Boimussy ou encore Yvonne de Bray en digne Duchesse de Bussez.
On sent tout de même les sympathies royalistes de Jacques Laurent (même s'il finira par changer d'avis) tant les nobles se comportent avec noblesse, sauf son héroïne mais qui finit pas y arriver, et les révolutionnaires sont veules et intéressés (le mari de Caroline qui semble honorable finit par devenir un délateur par jalousie, les concierges s'occupent plus de dénoncer leur locataires que de garde les immeubles, la foule hurlante est sans conscience, le postillon profitera de Caroline en détresse et même sa nourrice la dénoncera). Seul les nobles ayant rejoint la révolution semble emporter avec eux la noblesse de leur sang comme Gaston.
Une surprise surprenante que ce Caroline qui mérite d'être revu. Martine Carol devenant une persistance rétinienne tant elle rayonne finit par faire oublier les zones d'ombres bienvenues de ce film moins gentil qu'il n'en a l'air.