Dans l’inconscient collectif, les studios d’animation Pixar sont reconnus pour leurs longs-métrages originaux, enivrants et poétiques à souhait. D’ailleurs, depuis leur premier succès en 1995 (Toy Story), ils sont devenus en un rien de temps la référence en la matière, jamais ou que trop rarement égalés par la concurrence. Mais tout modèle possède un défaut ! En ce qui les concerne, il s’agit de la saga Cars. Si cette dernière a su marquer les petits garçons qui ne parlent encore que de Flash McQueen en ce moment, elle est surtout ce qu’il y a de plus commercial pour la firme. Entre un premier opus certes sympathique mais bien loin de l’émotion d’un Monstres & Cie ou encore du Monde de Nemo (sans compter le rachat douloureux de Pixar par Disney au même moment), et un second, sans âme comme ce n’est pas permis, la série des Cars n’a fait qu’exister par le merchandising : jouets et autres produits dérivés, jeux vidéo, mini-série télévisée (Cars Toons), spin-offs (Planes et sa suite)… Le jour où Cars 3 a été annoncé, autant dire que l’engouement n’était pas vraiment au rendez-vous. D’autant plus qu’en cette année 2017, les studios ont un projet original à nous faire découvrir, bien plus alléchant sur le papier (Coco, attendu pour le 29 novembre). Était-il judicieux de blâmer cette suite de la sorte ? Pas vraiment.
Le premier signe qui montrait un changement radical dans la franchise, c’était la toute première bande-annonce disponible depuis novembre 2016. Le film s’y présentait de manière réaliste (animation à la limite du live) et sombre (teintes grisâtres, accident violent, vrombissements de moteur à la place d’une musique…). Si beaucoup de parents furent indignés par cette vidéo, inadaptée pour leurs jeunes marmots, l’équipe du film y dévoilait toutefois une ambition au combien honorable : celle de faire évoluer la saga, de la faire avancer, grandir (comme ses spectateurs qui la suivent depuis son commencement en 2006). En voyant le résultat final, le changement se fait remarquer, le tout ayant acquis une certaine maturité. Et pour cause, plutôt que de mettre excessivement en avant les comic reliefs (comme l’insupportable Martin) ou de proposer une toute nouvelle gamme de personnages, Cars 3 remet son héros sur le devant de la scène et s’y intéresse pleinement. Le film lui offre un dernier tour de piste en abordant des thématiques beaucoup plus adultes, profondes et significatives telles que la passation de flambeau (John Lasseter and co laissant la place à de nouvelles recrues) ou encore le deuil (le décès du scénariste Daniel Gerson). Ainsi, aussi bien pour les enfants que les plus grands, la franchise gagne en ampleur et en intérêt grâce à ce Cars 3 sachant se montrer malin – le film allant jusqu’à critiquer le merchandising même en révélant ce qui attend McQueen s’il perd la course – et touchant. À tel point qu’il parvient sans mal à dépasser le premier opus, qui ne se contentait alors que de son univers gentillet.
Bien entendu, l’évolution s’est également faite d’un point de vue technique, le rendu ayant évolué depuis le tout premier Cars. Même si, et il fallait s’y attendre, ce troisième opus oublie le côté réaliste de sa bande-annonce pour revenir à l’univers cartoonesque de la saga, l’animation a de quoi bluffer ! En effet, celle-ci propose des paysages aussi saisissants que dans Le Voyage d’Arlo, donnant souvent l’impression de faire face à un véritable film. Un constat qui s’applique également aux personnages, qui perdent leur aspect plastique au profit d’une véritable carrosserie, mise en valeur par des jeux de lumières et de reflets tout aussi détaillés que maîtrisés. Cela peut paraître anecdotique de mettre le doigt sur ce qui semble être un détail visuel, mais cela apporte beaucoup de crédibilité à cet univers de voitures parlantes. On pourrait même parler d’une certaine immersion lors des séquences de courses, ces dernières étant plus fluides, vivantes et percutantes qu’à l’accoutumée. Si l’on peut encore ressortir l’exemple de l’accident de McQueen, la scène du « circuit boueux » reste tout aussi épique et spectaculaire. Le tout aidé par une bande son aux petits oignons.
Pourtant, malgré tous ces changements plus que bénéfiques, une certaine déception se fait ressentir lors du générique de fin. Celle de voir que ce Cars 3, même avec des ambitions plus adultes, garde néanmoins le côté (excessivement !) enfantin de ses prédécesseurs. Que ce soit par le biais d’une intrigue sans surprise (cela ressemble beaucoup au premier opus), d’un humour à ras les pâquerettes et de comic reliefs indigestes répondant toujours présents malgré un temps d’apparition moindre, la saga ne parvient toujours pas à changer de vitesse. Sur ce fait, elle reste au point mort, donnant moins d’impact que prévu à ce gain de maturité. Certes, l’ensemble offre une vision plus complexe de Cars aux jeunots et un divertissement familial sympathique pour les adultes. Mais il manque encore une fois ce qu’il aurait fallu de matière, d’ambiance, de travail scénaristique… bref, ce petit quelque chose qui aurait fait de Cars 3 un Pixar à part entière et non un film d’animation à gros budget lambda et très premier degré : une émotion qui prend aux tripes, une poésie suintant de l’image à tout instant.
Sans pour autant parvenir à faire perdre le statut de bête noire de la saga, Cars 3 en est une sympathique conclusion (ou pas ?). Beaucoup plus posé et mature, ce nouvel opus se présente au public tel un bon petit film d’animation, sans prise de tête, à voir en famille. Une sorte de mise en bouche au très attendu Coco, qui promet d’être un spectacle pixarien à souhait et de passer sous silence la sortie de ce troisième Cars. Rendez-vous donc le 29 novembre 2017 pour retrouver l’originalité et l’émerveillement propre à la firme !
Critique sur le site Cineseries-mag --> https://www.cineseries-mag.fr/cars-3-un-film-de-brian-fee-critique-102906/