Mais où est donc passé OSS 117 ?
Evacuons tout de suite les qualités quasi-indiscutables du film :
Oui la photographie est magnifique.
Oui le décor du café est immersif et prenant à souhait.
Oui, l'apparition de Bogart est mythique, et d'une classe comparable à celle de l'entrée en scène de John Wayne dans Stagecoach.
Oui, Ingrid Bergman et lui forment un joli couple.
Oui, le film est très vivant, dynamique et plutôt prenant.
Par contre.
C'est la caricature du film classique hollywoodien.
Tout est faux, c'est un gros gâteau fake ce film, jusque dans les turbans des arabes de pacotille (interprétés vraisemblablement par des figurants américains grimés en gris, comme l'étaient les indiens par des allemands dans les films de Ford), et dans les trois palmiers en plastique du fond pour recréer une ambiance maghrébine..
Moi qui voulais voir la tête de Casablanca dans les 40's, je peux dire que j'ai été déçu (c'est ma ville de naissance!).
Les personnages sont des archétypes, avec des dilemmes binaires, il y a les bons, les méchants, et ceux qui font semblant de naviguer entre les deux.
L'histoire d'amour entre Humphrey et Ingrid est pour moi, absolument sans intérêt, car ses bases ont été torchées dans un flash back de 5 minutes dans lequel ils s'embrassent sur une péniche devant un écran video de la Seine et de la Tour Eiffel. Voilà, la riche explication de leur amour tumultueux.
Ensuite c'est bavard, très bavard, les dialogues fusent de manière irraisonnée, les comportements inexplicables/et ou/incohérents se multiplient pour aider un scenar faussement complexe menaçant de partir en cacahuètes à tout instant.
Faussement complexe car finalement, derrière cette multitude de personnages, et qui ne servent pour la plupart à rien, ça n'est qu'une histoire de super visas signés par De Gaulle qui traînent de personnages en personnages comme des pochettes kinder surprise qui offriraient un sésame pour se barrer aux Etats-Unis.
D'un point de vue documentaire et historique, le maghreb et la France des 40's, vus par les ricains, m'ont l'air aussi fiables que dans un OSS 117 (le second degré en moins), c'est une espèce de caricature patriotique quasi-permanente et assez grossière (le duel des hymnes m'a saoulé), un amas de clichés, parfois avec un côté grandguignolesque : la fin notamment, sans le savoir (je me suis renseigné après), j'ai senti qu'elle était écrite petit à petit, et qu'il y avait une hésitation des scénaristes pour conclure le film.
Mais en même temps ce qui pourrait apparaître comme un défaut qui nuirait au film, rejoint de façon un peu miraculeuse le flou des personnages qui ne savent vraiment pas quoi faire. Mais il y a des stigmates, et ça donne cette scène que j'ai trouvée assez grotesque, où le vilain officier nazi se fait expédier ad patres en un revers de main.
Après on me rétorquera que c'est un divertissement purement hollywoodien, et qu'on s'en fout, c'est vrai, mais pourquoi les nombreux intégristes du classicisme rôdant sur ce site, qui nous bassinent à longueur de temps avec ce type de films qui seraient la panacée absolue, insurpassable, acceptent leur simplicité quasi infantile (on dirait presque une BD naïve, sympa et sage), pour chier sur 95% de ce qui s'est fait de bien depuis la fin des 60's, à savoir des films à la fois plus riches, plus complexes, plus ambigus et moins schématiques ?
(attention je ne mets pas les tous les films classiques dans le même panier, là j'ai bien conscience qu'on est dans le sommet du film classique hollywoodien dans tout ce qu'il pourrait avoir d'agaçant)
Un film comme ça, présenté comme le chef d'oeuvre des chef d'oeuvres, le plus grand film américain, peut-être même le plus grand film tout court, je m'attendais légitimement à être estomaqué, scotché, impressionné, émerveillé, touché, assommé, fasciné, étonné, subjugué!
Bah non, et elle est là ma grosse déception. J'ai suivi ça sans trop m'ennuyer, mais sans aucune passion.
J'avais l'impression de voir un bel ouvrage, très (trop?) propre, de bons personnages, où le bon scénario et les bons dialogues se déroulent comme dans un avion avec pilote automatique. Sans cassure, sans rupture de ton, ni de rythme (et je n'ai même pas parlé de l'usage assez exaspérant de la musique, présente h24).
C'est la caricature du film classique de studo, c'est très gentil et très soigné, et dans le fond ça m'emmerde un peu.
Et pour répondre à cette bande de réactionnaires trop influente sur le site, qui pleurent en permanence une pseudo mort du cinéma (jusqu'à même polluer les tops 10 à base de remarques hautaines et dédaigneuses "Ca manque cruellement de classiques, jeune homme"), qui chient sur 95% des bons films post 60's, pour nous survendre ça, ces produits-là qui sont la plupart du temps très surfaits (et je ne compte pas non plus le nombre de films muets qui se mangent des 8,9,10 et autres surcotages abominables, alors que leurs histoires pourraient se résumer à des leçons de morale type "Attraper le melon c'est pas bien" (cf Show People de Vidor)),
j'invite à choisir la voie de l'optimisme, plutôt que celle de l'aigreur. Des bons films, on en a eu, on en a, et on en aura..!