Il suffirait de... presque rien
Un film profondément ambigu, pétri d'héroïsme mal placé.
Bon, en gros, c'est l'histoire de quoi ? une prostituée qui flashe un après-midi, vers 15h, sur un mec avec une moustache. Passons sur le fait qu'on nous force à croire au coup de foudre, ainsi que sur le fait que Serge Reggiani, malgré son étonnante assurance et sa virilité, n'arrive pas à s'empêcher de me faire penser à Popeye.
Donc ce gars, on voudrait qu'il soit le héros du film. Un petit charpentier qui se laisse pas faire, indépendant comme tout, et avec du répondant. D'accord. Jusque là tout va bien. Le problème, c'est qu'on essaie de nous le faire passer pour courageux. Il ose défier un trafiquant avec toute sa bande de débiles, certes, mais moi j'appelle ça de la bêtise, pas du courage, car non seulement il aurait défié n'importe qui, son motif n'a rien de moral, il se bat simplement pour une femme, mais en plus sa seule réponse à cette bande de nazes est la violence. C'est là que le film me dépasse complètement : le mec est un criminel, et jamais la caméra n'essaie de le juger, toujours on le voit sortir triomphant et digne de son crime accompli bien proprement. Pire, on veut le faire passer pour un héros parce qu'il va se dénoncer aux flics vu que son pote a été arrêté à sa place. Action d'ailleurs pour le moins stupide, ce qui sera montré par la suite (je ne développe pas pour ne pas spoiler).
Moi je trouve donc juste que c'est un film de demeurés, on n'a pas idée de s'entre-tuer comme ça pour une nana franchement, surtout quand on l'a rencontrée y'a littéralement 48h. Et qu'on vienne pas m'expliquer que c'était une autre époque, bon dieu, ce serait foutrement triste pour l'humanité. Si encore il y avait la moindre part de plaisir qui était révélée dans le meurtre ! Mais même pas ! C'est de l'utilitaire, de la vengeance, une vengeance non pas passionnée mais complètement grossière : il faut éliminer l'ennemi, voilà, c'est fait. Alors que ce serait tellement plus amusant de le torturer. L'ennemi, lui, est d'ailleurs moins con que notre con de héros, lui il sait un peu s'amuser, il joue au moins un peu sur la corde du sadisme, et pour ça il l'emporte dans mon cœur.
Quant à la femme sensible et intelligente, Marie, jouée par Simone Signoret, évidemment elle s'entiche de notre petit Popeye, et ça lui vient pas une seconde à l'idée que c'est plutôt répugnant d'être tripotée par un mec qui a, de sang-froid, poignardé un autre mec. D'autant que Popeye n'est caractérisé QUE par son sang chaud (qu'on voudrait courage). A part les deux minutes où on le voit faire son métier de charpentier, on ne voit jamais ce bougre parler de quoi que ce soit d'intéressant, ou révéler une belle intériorité (au contraire, il souligne bien combien ça le fait chier d'entrer dans l'église, alors que ça fait plaisir à sa gonzesse). Il a juste une mentalité moyenâgeuse, avec ses putains de principes pourris. Vous avez déjà remarqué, ce sont toujours les gens les plus bêtes qui ont les principes les plus bornés ? Donc la poule tombe amoureuse de ce débile, et elle est si bonne qu'elle l'accompagne jusqu'au dernier soupir, et c'est ça, le triste destin des femmes...
Pour finir, l'époque représentée est laide. Ça la fout mal, il paraît que c'est la Belle Epoque. Les robes sont souvent atroces, pleines de froufrous et de motifs effrayants en tout genre, et puis, plus les femmes essaient de se faire belles, plus on peut être garanti que ce sera laid (bon, c'est une vérité plutôt générale par ailleurs). Mais le pire reste à venir : les hommes portent d'immondes bretelles pour tenir leurs pantalons taille très haute, qu'ils recouvrent d'une sorte de tissu ridicule (illustration : http://img696.imageshack.us/img696/8714/vlcsnap2011102522h47m29.png), ce qui les fait ressembler à des danseurs-agriculteurs.
Je vois d'ailleurs pas l'intérêt de placer le film à cette époque particulière, et ça rend le constat précédent d'autant plus inquiétant.
Ce film, c'est donc beaucoup de chichis pour pas grand chose. Ça reste regardable, mais c'est plat, et ça fait pas rêver, à part d'une tasse de café, ce pourquoi je crois que je lui ai mis 6.