Casse-Noisette d’Andrei Konchalovsky est donc un film pour enfants, avec ce qu’il faut de chansons horripilantes, de passages gnan-gnan et saugrenus (au début du film, un personnage brise par trois fois le Quatrième Mur, sans que cela n’ait une incidence sur quoi que ce soit par la suite) et de moments merveilleux* (le ballet des flocons, le seul vrai hommage à Tchaïkovsky)
Cependant, voici plusieurs points qui rendent le projet totalement unique :
-Le film s’ouvre, contre toute attente, sur le personnage de Freud.
-L’oncle Albert ressemble étrangement à un célèbre Physicien, parle avec l’accent allemand, et entonne une chanson sur la relativité…
-La mère, une diva, se fiche complètement de ses enfants et ne songe qu’à sa gloire personnelle. Le personnage n’évoluera absolument pas sur la fin.
-La vieille servante de la famille se trouve être une alcoolique notoire
-Le monde des rats est une parabole évidente de l'occupation nazie, version steampunk. Les uniformes sont les mêmes, et on substitue l’Holocauste par un four crématoire à jouets.
-Le roi des rats, joué par John Turturro, est un sosie d’Andy Warhol (avec un museau de rongeur). Son passe-temps est de prendre des photos d’enfants en pleurs après qu’il les ai traumatisés.
-Lors de sa première apparition, Turturro se met à chanter comme un possédé avant de tuer sauvagement son requin domestique en l’électrocutant (!)
-Le roi des rats et sa mère semblent entretenir une relation œdipienne. Cette dernière, pourtant très âgée, laisse apercevoir un porte-jarretelle alors qu’elle demande à son fils de se rapprocher. Ceci avant de le mordre violemment au visage, sans raison apparente (!!)
-A un moment, Turturro arrache soudainement la tête d’un des personnages, avant de jouer au volley-ball avec.
-Lors de la révolte finale, les soldats rats font exploser leurs motos sur des esclaves humains, avant de les mitrailler avec leurs ailes mécanisées (!!!)
Et des partis-pris comme ceux-ci, il y a plein d’autres. Bref, vous l’aurez compris, le réalisateur prend un malin plaisir à détourner le conte d'origine et le transforme en parabole d'une réalité qu'on ne peut oublier. Complètement suicidaire, puisque ce film a été proprement détesté par le public (beaucoup de parents ont été horrifiés par la représentation du monde des rats) et restera dans les annales comme étant un gigantesque bide au box-office (16 millions de dollars ramassés, pour un budget de 90 millions) dont personne ne se souvient.**
C’est assez en tout cas pour redonner une chance à ce métrage totalement inclassable. Pas assez maîtrisé dans sa folie, mais tout de même très attachant pour les idées qui le traversent, et que l'on ne s’attend certainement pas à trouver dans ce genre de film.
* A noter que le film a été converti en 3D, pour un résultat apparemment assez mauvais (alors que la mise en scène s'y prête relativement bien).
** Il est disponible en France en Dvd, Blu-ray 2D ou 3D. L’image du Blu-ray est assez décevante, avec un sérieux manque de piqué et des couleurs ternes, qui ne rendent pas justice à la créativité et aux parenthèses spectaculaires de l’œuvre.