Même si on devine rapidement l'origine théâtral du matériel, il est difficile de faire la fine bouche devant ce savoureux thriller, en huit-clos pour sa majeure partie servi, par des comédiens géniaux, un scénario parfaitement huilée et des dialogues croustillants. Sans être toujours au top, la réalisation de Gilbert se réveille pleinement durant les séquences clés (l'assassinat de la première épouse, les nombreux rebondissements et de manière général tout le dernier acte). Dans ces moments là, le noir et blanc contrasté se fait ciselé, le cadrage est plus volontiers expressionniste et la gestion de l'espace assez inventif.
Toutefois, l'intensité s'acquiert vraiment grâce les acteurs, tous excellents : Kathleen Harrison dans le rôle de la servante un peu simplette et distraite, Mona Washbourne en amoureuse rêveuse, Dick Bogarde dans le rôle principal à la fois cynique, calculateur froid et manipulateur mais également un névrosé sociopathe et fragile au travers de l'attachement à sa première épouse qui se révèle plus ambiguë (voire sincère) que prévue. Il parvient à rendre son personnage beaucoup plus riche que le simple arriviste, chasseur de veuve. Mais c'est Margaret Lockwood qui remporte la mise avec cette nouvelle riche, moderne, vive, au franc parlé irrésistible qui ne se laisse pas impressionner par qui compte, tout en étant elle aussi moins unilatérale que les personnages féminins du genre avec un amour réel envers son nouveau mari (tout en étant conscient de ses motivations premières).
Tous ces éléments font de L'assassin s'était trompé un divertissement sans temps mort, rythmé, caustique, assez original dans la psychologie des personnages qui arrivent à s'émanciper des stéréotypes. De plus l'intrigue, à part quelques passages obligés au début et à la toute fin, est assez peu prévisible. Vraiment une très bonne surprise !