Comment appréhender, comment aborder, comment voir un film de James Benning ? Peut-être en acceptant l'idée qu'un film puisse être essentiellement voire uniquement composé d'images et de sons, qu'une oeuvre de cinéma puisse complètement échapper aux notions de script et de scénario... Sans doutes en faisant table rase de toute forme d'apanage culturel, comme en adoptant le regard d'un nouveau-né ou celui d'un ignorant. Voir comme on pourrait machinalement respirer, accepter que l'ennui puisse faire partie du temps, boire les secondes comme autant de micro-évènements réinventant en permanence le Réel...


Casting a Glance ( qui peut se traduire littéralement par l'expression "en jetant un coup d'oeil" ) n'est pas un film utile, et il n'en a pas la prétention. Sur plus de 30 ans James Benning s'est attelé à filmer des contrées mêlées de terre, d'eau et de neige pour mieux délivrer un étonnant journal de bord cinématographique ; il a filmé les espaces dans un objectif de recherche du mouvement, du moment présent et du moment passé. En véritable explorateur le cinéaste est régulièrement retourné sur les traces de son propre passage, re-filmant les mêmes lopins et les mêmes étendues d'eau dans un intervalle temporel conséquent.


Un peu dans l'esprit de son beau One Way Boogie Woogie - 27 years later il ausculte un présent qui a déjà été et qui est à nouveau : ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre le nouveau plan benningien installe une durée, une rémanence proche de l'hypnose. C'est peut-être l'un des films les plus méditatifs du cinéma de James Benning, une oeuvre sidérante capable de transformer le regard comme une éventuelle défloraison. C'est grand, superbe et incomparable.

stebbins
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le 18 mai 2016

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