Ils sont jeunes et ils s’aiment. Ils vivent dans une caravane au milieu de nulle part, un peu à l’arrache, à la marge. Il s’appelle Aaron, elle s’appelle Laila. Il est anglais, elle est pakistanaise. Elle a fui son père et son frère pour vivre son amour loin d’eux et loin des règles, librement, comme elle veut. Sauf que ces deux-là, figés dans des traditions ne laissant aucune liberté aux femmes, cherchent à la ramener au bercail et dans le droit chemin. Le frère, flanqué de quelques potes amateurs de shit et de deux chasseurs de prime plutôt louches, a donc ordre du père de la retrouver. La traque peut commencer, d’abord tranquille, routinière quoi, puis plus sanglante.


L’histoire rappellera celle de Roméo et Juliette transposée de nos jours dans une Angleterre cracra et livrée à elle-même, dans son jus (précarité, alcool, violence…). Entremêlant chronique sociale ultra-réaliste à la Ken Loach (qui, jadis, avait traité plus ou moins du même sujet dans Just a kiss) et polar qui tache à la Audiard, Daniel Wolfe impose un style sec et naturaliste (et parfois même onirique) magnifiant les paysages sauvages du Yorkshire (superbe photographie de Robbie Ryan, déjà à l’œuvre, entre autres, sur Les hauts de Hurlevent d’Andrea Arnold) au milieu desquels une mécanique du désastre (et du tragique aussi, dans le sens tragédie familiale à l’ancienne) va tout anéantir sur son passage.


Inspiré de faits réels tristement ordinaires (ceux des crimes d’honneur) dont on ne parle plus vraiment aujourd’hui, noyés dans la masse des réseaux médiatiques, Catch me daddy confronte deux jeunes insoumis à peine sortis de l’adolescence à la fureur des adultes et du fanatisme religieux (ou même celui de base, celui animal, aveugle, bassement humain, incarné dans le personnage ultra-violent de Barry). Wolfe et son scénariste (Matthew Wolfe, le petit frère) évitent toute psychologie trop conciliante pour révéler une sorte d’humanité sommaire guidée d’abord par ses pulsions et ses croyances. Le film se termine sur un élan, une tension non résolue d’une tristesse brûlante à l’image de ce premier film râpeux jusqu’à la chair et au sang.


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mymp
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le 7 oct. 2015

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