Les mots ne sont pas suffisants pour dire à quel point l’expérience proposée est indescriptible. De même qu’il semble impossible de trouver une explication plausible sur ce qui nous a conduis à voir une comédie musicale de Broadway passer d’un projet de film d’animation auprès de la boîte Amblimation, à une transposition live qui a l’air tout droit sorti de la caverne aux cauchemars.
Déjà que la pièce originale divisait le public par son absence de scénario, il avait au moins le mérite du spectacle et du divertissement sur scène pour faire passer la pilule. Du coup, comment transposer en film en prise de vue réelle un spectacle théâtral qui ne brille pas par son univers ou par sa logique, mais pour son côté chatoyant ? Et bien jeunes gens de tout âges, selon Tom Hooper qui l’on doit déjà le surcôté Le Discours d’un roi et une version quasi entièrement chanté des Misérables, tout cela pouvait très bien passer en modélisant les acteurs avec une fourrure de chat sur lesquels les têtes des acteurs sont greffé, et même les pieds pour certains chats.
Comme si ce projet d’adaptation n’avait pas déjà assez la poisse, sa première bande-annonce a vu le jour l’année ou, pour rappel, on a déjà eu le droit à cette aberration en terme de design qu’était Sonic (du moins avant que Paramount ne se ravise et le refasse entièrement pour calmer les fans de longue date et le public du net). Fallait pas compter sur eux pour valider ce choix "artistique" qui tente en vain d’émerveiller mais battrait davantage de record sur le territoire de la vallée dérangeante. Et histoire de mettre un clou final au cercueil, le faire sortie en fin d’année avec Star Wars Episode IX : L’ascension de Skywalker, ça sentait clairement la volonté d’enterrer ce projet rejeté par Universal Pictures. Et honnêtement, difficile de ne pas leur jeter la pierre quand on voit la gueule du vilain minou. Parce que, j’adore les chats mais là…
Regarder Cats, c’est comme visionner un Hentaï ou un film pornographique à caractère zoophile auquel on aurait retiré les scènes de sexes et les images choquantes pour les remplacer par une ambiance musicale à la Disney, le scénario et l’immersion en moins. Il ne faut pas poireauter plus de 15 secondes après les logos des studios pour plonger dans les ordures d’un Londres trop proprette, vide de vie et dénué de tout contexte historique pour que la monstrueuse parade commence avec le problème le plus évident : ça n’est pas parce que des humains jouant des chats sur une scène de spectacle ça passe que ça va passer crème dans un film live.
A partir du moment où la séquence Jellice Songs for Jellicle Cats débute, on assiste à un mimétisme qui peut au mieux fasciner par le degré What the Fuck de son jusqu’en boutiste, soit déranger jusqu’à vouloir boycotter toutes vidéos de chatons trop meugnons sur le net. On les voit se déplacer à 4 pattes et se redresser lors des chorégraphies, se lécher la patte, se frotter contre eux, prendre la pose ou l’humanisation de leurs mouvements et de leurs corps est continuellement dissonant avec leur instinct animal. Impossible de ne pas se sentir perturbé quand on voit un chat humanoïde bouffer des cafards en pleine fanfare dansante, boire du lait comme un assoiffé dans un bol ou sous un robinet tandis qu’une image dégueulasse peut facilement s’imprimer dans notre esprit pour peu qu’on ait l’esprit légèrement vicelard (non, j'ajouterais aucune illustration, c'est déjà assez immonde comme ça), James Corden en chat corpulent se rassasier dans les poubelles des bas-quartiers, ou encore M joué par une Judi Dench qui n’aura jamais été aussi dérangeante avec sa gueule écrasée sur les épaules d’une vieille chatte ayant longuement vécue et le tout avec certains plans face caméra rendant ce visuel encore plus indigeste tant l’incrustation est intrusive (Vade Retro, erreurs du septième art !). Mais vraiment, j’adore les chats mais là…
Pire encore, si l’instrumentation des chansons et les performances des acteurs restent à saluer en tant que tel, elles n’ont aucun intérêt narratif. Chacune d’elle ne semble être réduit qu’à de l’exposition et du background de personnages, mais aucun d’eux ne vit réellement ou ne se distingue : passé leur performance sur ce qui a possiblement été vu comme une scène d'exposition pour Tom Hooper, au pire ils disparaissent sans avoir partager la moindre chimie avec quiconque, au mieux ils sont fadasses à tel point que j’aurais des scrupules à requalifier l’adaptation live d’Avatar le dernier maître de l’air sur ce terrain.
On n’apprend jamais ce que Macavity a fait subir à Grizabella pour qu’elle soit traitée ainsi comme une paria auprès des Jellicle Cats, on ne voit jamais Victoria échanger un moment de cordialité ou de complicité apparente avec un autre des chats humanoïdes (pas même Mistoffelees qui lui sauve pourtant la mise pour on ne sait quelle raison), quand ça ne sont pas les rôles les plus insignifiants finissent par prendre de l’importance pour les besoins du script (script tenant sur un timbre poste). Je le répète, j’adore les chats, mais là…
D’ailleurs parlons-en du scénario puisque celui-ci fait le choix de suivre le parti pris de Tom Hooper à la mise en scène : filmer les rencontres et les dérives musicales de Victoria comme si il filmait une scène de spectacle. Ce qui est complètement con quand on réfléchit deux secondes, le cinéma est un art de divertissement mais entre un film et un spectacle sur scène il y a tout un monde de différence à prendre en compte pour que la transposition passe. Et c'est totalement réducteur puisque ça donne une image très pauvre des spectacles de Broadway comme si ils étaient incapables de s’adapter au format cinématographique. Alors qu’on a déjà eu des pièces de Broadway ayant eu un traitement au minimum correcte ou intéressante comme Into the Wood de Rob Marshall, voire même être sublimer comme chez Robert Wise avec West Side Story y’a presque 60 ans. Or ici on est dans une mise en scène plan plan plus triste qu’autre chose qui serait totalement dénué du moindre goût sans la qualité des chorégraphies et l’investissement physique du casting et également vocale. Non mais vraiment, j’adore les chats, mais là…
On en vient à prendre ces stars en pitié tant ils n’ont rien à jouer et se contente pour la plupart d’écarquiller les yeux et de prendre un minimum d’expression sur le peu qu’on apprend des protagonistes le temps d’une chanson. De la sous-exploitation honteuse de Ian McKellen qui ne semble pas comprendre ce qu’il fout dans cette galère en passant par Idris Elba s’amusant aussi bien que cela lui est possible mais l’antagoniste qu’il campe est tout aussi dépouillé de matière que les autres, James Corden est transparent, Judi Dench je vais pas m’attarder dessus, Francesca Hayward est la plus mal barrée du lot tant on ne pige par le pourquoi de sa présence puisque Victoria n’a même pas un semblant de passé et du coup Hayward se retrouve totalement démunie tandis qu’on n’a même pas le moindre souvenir de Ray Winstone dans ce merdier vendant du rêve mais n’ayant même pas le moindre élément de réponse sur son univers. J’insiste quand je dis que j’adore les chats, mais là…
Ben tiens, faisons un petit bout de chemin de ce côté-là puisque j’ai une avalanche de question à poser au film : qu’est-ce qu’un jolitichat/jellicle cat exactement ? Y’a-t-il d’autres communauté de petits minous humanoïdes dans Londres ? C’est quoi au juste cette Jellicosphère promettant une meilleure vie ? D’autres personnes y ont-ils déjà eu accès auparavant ? Pourquoi fait-elle tant rêver ces boules de poils sur jambes ? Pourquoi est-ce Deuteronomy qui choisit qui va dans cette Jellicosphère et sur quels critères ? Quel est son histoire ? Et celui de Macavity qui semble craint mais piège tout le monde avec une facilité au mieux simpliste, au pire en comptant sur le fait que certains Jellicle Cat ne connaissent pas sa réputation par je ne sais quelle miracle ? D’où ils viennent ? En plus de cette direction artistique sous drogue inconnu, on ne cessera de se poser ces questions et encore plus durant la deuxième moitié qui se veut plus "émotionnelle" mais devient plus ennuyeuse malgré la fascination qui subsiste après la première partie tant il n'y a ni lien ni alchimie dans l'écriture. Et ça va jusqu’à écrire une chanson hurlant "Nommez moi aux cérémonies s’il vous plaît, c’est pour la crédibilité de mon film ! " (et qui y sera parvenu aux Golden Globes… les juges ont dû bien regretter en voyant ce film) mais qui se révèle tout aussi lisse que les autres. Parole d’honneur, j’adore les chats, mais là…
Et pourtant ce film réussit à cumuler des incohérences folles avec son scénario squelettique. Comment Macavity peut-il mettre autant de temps à faire passer Deuteronomy sur la planche alors que Mistoffelees met 4 plombs à la faire revenir ? Comment fonctionne son pouvoir de téléportation alors qu’il semble capable de se téléporter n’ importe où sans problème ? Pourquoi Jenny Tacherousse (ou Jennyanydots en VO) attend t’elle la fin du film pour enlever sa fourrure et se défaire de ses chaînes si elle pouvait le faire plutôt alors que Macavity était parti et qu’il n’y avait que son garde du corps ? Non mais vraiment, je jure que j’aime sincèrement les matous, mais là…
Mais à son crédit, Cats peut bien être un grosse daubasse huilé jusqu'à l'os, il n’a pas le même niveau de déshonneur qu’un faux remake du Roi Lion ou Aladdin sorti plus tôt et ne constitue même pas une insulte à proprement parler contrairement à des boudins filmiques de 2019 comme Hellboy, After chapitre 1 ou Qu’est-ce qu’on a encore fait au bon Dieu. Il est fascinant par ses choix artistiques incompréhensifs et surtout par le fait qu’il croit livrer du rêve et de la magie au public alors qu’il aura plus de chance d’involontairement mettre mal à l’aise qu’autre chose, et qu’il démontre une horrible régression chez Tom Hooper en terme de story-telling et de mise en scène.
Il a un potentiel nanardesque ici et là mais reste au stade du navet cosmique plus horripilant qu’autre chose. Et une dernière : j’adore les chats, mais vraiment là, chat va pas passer.
Bonne fin d’année 2019 et à très vite en 2020 !