Résistance aux impérialismes
C'est la première fois que le rythme d'un film de Ousmane Sembène me paralyse de la sorte : son caractère atone dans "Ceddo" a rendu le visionnage tout particulièrement éprouvant et n'a laissé de...
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le 28 mai 2024
C'est la première fois que le rythme d'un film de Ousmane Sembène me paralyse de la sorte : son caractère atone dans "Ceddo" a rendu le visionnage tout particulièrement éprouvant et n'a laissé de place au plaisir du fond que dans le jugement a posteriori. De nombreuses difficultés sont présentes ici, au premier rang desquelles figurent une lenteur singulière et assommante dans la progression narrative ainsi que des séquences de discussion proprement interminables. C'est sans doute une limite trouvée à ma capacité à me confronter à un cinéma avec lequel je ne suis pas familier et donc je ne maîtrise pas les codes, un peu comme les premières fois face à un film muet ou en noir et blanc. Et la musique toujours attachante de Manu Dibango n'aura pas suffi à inverser la tendance.
Sur le plan théorique, j'apprécie beaucoup la démarche de Sembène. On se place dans une époque incertaine, entre le XVIIème et le XVIIIème siècle au Sénégal (une époque précoloniale, donc, mais qui sert malgré tout de métaphore à l'histoire plus contemporaine évidemment), et le film tire son nom des ceddos (aussi appelés tiédos), le peuple local qui a lutté contre l'avancée des impérialismes, tant du côté des conquêtes arabo-musulmanes que de l'Europe — cette dernière est présente en mode mineur ici. Il faut être particulièrement patient pour accéder aux différentes formulations du problème mais on est ici dans le registre du drame, la satire classique dans d'autres films comme "Xala" ou "Emitaï" en étant totalement expurgée, pour évoquer l'influence grandissante de l'islam et du christianisme sur l'Afrique de l'Ouest. Le principal antagonisme est porté par un imam fou furieux qui convertit de force les populations par centaines, tout en essayant de contourner la résistance des ceddos qui ne tolèrent pas une telle perversion de leur culture.
Très difficile pour moi de suivre avec attention l'histoire du kidnapping de la princesse Dior Yacine suite à la soumission de son père le roi, ainsi que les multiples divisions et guerres entre les différentes parties (locaux, fondamentalistes musulmans, missionnaires chrétiens et marchands d'esclaves qui ajoutent un peu de bazar à l'ensemble). Pourtant chaque camp bénéficie d'un temps conséquent pour exposer ses positions, mais ça reste extrêmement rugueux et âpre sur le plan de la narration, à la fois très démonstrative et très lourde, de quoi faire passer à côté des jeux sur les anachronismes. Il y a de nombreux moments où j'ai eu l'impression d'avoir raté un épisode, certaines utilisations d'une musique Jazz sortie de nulle-part ou encore le chaos final qui part dans tous les sens, même si les thématiques abordées restent familières chez le cinéaste : le pouvoir, la cupidité, et l'exploitation, le tout abordée avec un sens poétique qui lui est propre.
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le 28 mai 2024
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