La cinémathèque Française a réussi à programmer Cela ne produira pas ici, film que Bergman fut obligé de tourner et qu'il renia très rapidement pour en bloquer les diffusions. Il n'y a donc que quelques rares séances autorisées et elles doivent être accompagnées d'une présentation expliquant les positions du cinéaste. A ce titre, il est exclut du futur coffret "intégral" Criterion. Et il ne fut jamais exploité en VHS ou DVD.


Bergman tourna donc ce film sous une double contrainte : "célébrer" le retour de l'actrice Signe Hasso après une carrière à Hollywood et signer un thriller politique façon guerre froide où un pays imaginaire envoie des espions à Stockholm pour rapatrier des réfugiés politiques. Sauf que Signe Hasso fut malade durant le tournage pour une implication jugée décevante par Bergman et que le studio de production employait des baltes en exil que Bergman connaissait suffisamment bien pour trouver que le scénario était idiot et ne leur rendait pas hommage.


Il en résulte un film forcément impersonnel, loin des premières réussites que commençait à signer Bergman. Il n'essaie même pas d'en faire un exercice de style, tout juste reproduit-il quelques figures de style en pilotage automatique avec les ombres des stores vénitiens, les espions habillés façon gangster ou une traque final. Sauf que Bergman montre à plusieurs moment le mépris affiché pour le matériel qu'il a entre les mains, tirant presque vers la parodie, ou le doigt d'honneur anti-spectaculaire. Ainsi la poursuite en voiture se limite quasiment à des roues en grands plans. De plus le héros conduit comme un pied et fonce dans le premier buisson venu. :mrgreen:
On trouve aussi un face à face grotesque entre les deux rivaux autour d'un pistolet et d'une tasse de café aux rebondissements grotesques. Surtout avec l'héroïne derrière en mode potiche ultime qui ne sert à rien. Preuve qu'il n'avait que peu de considération pour sa comédienne.
La séquence la plus évidente de ce détournement est presque une merveille pour le coup et pousse le bouchon très loin : les réfugiés tiennent une réunion secrète dans un cinéma et se disputent autour d'une possible taupe en leur sein tandis qu'un cartoon avec Goofy et Donald s'entend en off mais mixé aux mêmes niveaux que les dialogues. Et certains gestes, réactions ou paroles sont synchronisés sur le dessin-animé rendant la scène impossible à prendre au sérieux (genre un homme malmène le traite tandis que Donald s'énerve au même moment). Et c'était sans doute la volonté du cinéaste : dire que cette histoire est du niveau d'un Disney.
D'ailleurs dans une précédente scène, des espions "russes" s'introduisaient dans un appartement par un escalier situé directement dans les coulisses d'un petit music hall.


Ces éléments subversifs sont surtout présents dans la seconde moitié qui devient ainsi plutôt fun tandis que la première présente très peu d'intérêt avec en plus de gros souci dans l'exposition totalement bâclé des personnages et de l'intrigue .

anthonyplu
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le 26 sept. 2018

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