"Always remember I offered you life, and you gave me death!"

L'éternelle et épineuse problématique de la relativité d'un jugement. En l'occurrence, faut-il apprécier ce film à l'aune de la série B ou bien adopter la perspective plus large du cinéma dans son ensemble ? Et puis quel ensemble ? De la réponse à cette question pourrait pourtant en découler des expériences bien différentes. Une chose est sûre : la note ne veut absolument rien dire dans le cas présent, tant l'appréciation du contenu et le plaisir ressenti sont décorrélés.


D'un côté, on a affaire à un film à relativement petit budget doté de nombreuses caractéristiques appréciables : il y a Boris Karloff dans la peau d'un scientifique un peu fou, on aborde en 1939 la question de la transplantation cardiaque et du cœur artificiel (soit quelques années avant que ces techniques médicales soient véritablement opérationnelles), et les dialogues regorgent de moments collectors, du sentencieux "We've taken a human life! If we can't restore that life, the law will call it murder!" dans un laboratoire au menaçant "Always remember I offered you life, and you gave me death!" au tribunal. Et autant dire que Karloff excelle dans ce registre en donnant corps autant au scientifique humaniste qu'au monstre assoiffé de vengeance.


Mais de l'autre, pour peu que l'on s'attache à ce genre de détail dans le registre de la série B, on peine à saisir ce qui anime fondamentalement le protagoniste pour passer d'un état d'altruisme acéré et de don de soi pour la science, en mettant au point une machine (qui visuellement ressemble un peu aux kits de parfait petit chimiste soit dit en passant) garantissant la circulation du sang dans le corps quand le cœur ne fonctionne plus ("To operate on a living body is like trying to repair a motor when it’s still running"), à un état de fureur vengeresse d'un incroyable machiavélisme. Dans chacun de ces deux états, Karloff est bien sûr très convaincant, comme à son habitude, mais le passage de l'un à l'autre aurait mérité un peu plus de matière scénaristique. Une belle idée de scénario, en théorie, que l'aspect bis vient un peu ternir dans ses subtilités.


Les trois actes insufflent cependant suffisamment de rythme pour que le film tienne la route.
1°) Le scientifique fou classique, avec ses expériences un peu tordues. Et encore, pas si éloignés de la réalité de l'époque : en 1934, Robert Cornish avait ramené à la vie deux chiens, Lazarus (forcément…) IV et V (il y a donc vraisemblablement eu quelques ratés : seule le cinquième revint véritablement à la vie), après les avoir intoxiqués à l'aide d'un mélange d'éther et d'azote. Il voulut ensuite passer à l'étape suivante, expérimenter sa méthode sur des cobayes humains condamnés à mort, mais les gouverneurs des états en question s'y opposèrent. Déçu, il lança une nouvelle marque de dentifrice. En toute logique. Plus d'infos ici : http://www.lemonde.fr/sciences/article/2014/04/07/lazare-leve-toi-et-aboie_4397088_1650684.html
2°) Une séquence de procès à la tension grandissante, même si le tribunal aurait dû faire un peu plus attention au titre original du film : non, on ne peut pas pendre Boris Karloff, ou, plus exactement, le tuer.
3°) Et enfin une version un peu sadique de la maison hantée, un peu comme un Saw avant l'heure. La progression linéaire de l'intrigue est sans doute un peu trop prévisible depuis notre 21ème siècle, la fin un peu trop rapidement expédiée (on aurait voulu en savoir un peu plus sur les plans sadiques du scientifique fou pour tuer un à un les jurés qui l'avaient condamné à la pendaison), mais "The man they could not hang" reste une savoureuse petite sucrerie bizarroïdo-fantastique marquée du sceau du bis.


[AB #193]

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le 1 févr. 2017

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Morrinson

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