Une belle proposition de réflexion de philosophie morale et humaine traduite cinématographiquement par une mise en scène d'autant plus efficace qu'elle est sobre. Dans un futur proche, des aliens kidnappent 50 humains qu'ils laissent s'entretuer sans consignes ; ils doivent donc découvrir les règles, et trouver comment les appliquer, sachant qu'il n'y en a pas. S'ensuit une compétition machiavélique, qui se veut d'abord désespérément humaniste mais qui ne montre qu'une catabase progressive, tant plus le nombre de personnes restantes se réduit, moins la morale semble de mise.
Le film aboutit alors sur une conclusion qui paraît en fait assez cynique, et qui m'a franchement bluffée, et beaucoup plu. Même s'il n'était pas forcément nécessaire de prendre le spectateur pour un idiot et lui remontrer les scènes clefs de compréhension du twist final, ces dernières restent intéressantes à visionner retrospectivement là où elles éclairent une des thématiques de Circle: comment gouverner, comment diriger la meute pour servir ses propres intérêts, lorsqu'on paraît être de retour à l'Etat de nature où seule la sélection naturelle, qui nous échappe, est maître?
Car le paradoxe exquis de ce film est qu'il construit son scénario autour d'une machine tout en choisissant pour fil conducteur une forme dystopique de sélection naturelle. Lorsqu'il est question de survie, c'est chacun pour soi, et l'Homme et la machine ne diffèrent plus ; puisque c'est elle qui décide, et que l'algorithme ne changera pas, il faut s'y soumettre et la tourner à son avantage et non attendre qu'elle exhibe une forme de moralité qui lui est étrangère. Preuve en est que la moralité ne dure guère comme maîtresse des choix des personnages, et n'est sûrement pas celle qui permet au dernier de survivre.
Je dirais à ce propos que la fin est quand même un chouïa bâclée ; après des passages subtils (certains moins que d'autres) sur les formes systémiques de préjugés qui nous hantent tous (racisme, sexisme, homophobie, classisme), avec un scénario qui ne manque pas de finesse, on aurait aimé avoir un contexte plus poussé, et on est un peu frustré que la simplicité de la mise en scène soit presque gâchée par un plan final beaucoup trop hollywoodien pour être crédible.
Mais peut-être est-ce cela le vrai message: quelque soit le contexte, cela importe peu ; ce qui importe, c'est l'expérience de pensée qu'est l'Etat de nature: elle en était déjà une chez Hobbes, et elle l'est ici, celle où seuls survivent nos instincts, où il faut à tout prix devenir le chef de la meute, où c'est chacun pour soi, au détriment de toute morale, coûte que coûte. Non sans que reste une once de culpabilité chez le dernier survivant lorsqu'il découvre qu'il est à peu près le seul à avoir préféré sa survie à celle d'une femme enceinte ou d'une fillette. Un bel exemple de réflexion philosophique sur l'éthique et la morale ; ce film a vraiment été une bonne surprise pour moi.