Dans ces années 1970 qui verront la société fortement évoluer, Claude Sautet continue de dresser le portrait de sa génération et d'une classe moyenne d'origine populaire où, derrière l'apparence heureuse de cette petite bourgeoisie, se cachent de nombreux problèmes.


Ce que j'ai toujours admiré dans le cinéma de Claude Sautet, de Vincent, François, Paul... et les autres à Les Choses de la Vie en passant donc par César et Rosalie, c'est cette façon de capter la vie. Tout simplement la vie et donc (et surtout) l'humain, les sentiments et la complexité de ceux-ci. Pourtant, tout paraît toujours facile pour lui mais c'est avec intelligence, finesse et réalisme qu'il retranscrit, et surtout nous fait pleinement vivre, la complexité de la nature humaine, de l'amour, des dilemmes de la vie et la recherche du bonheur. Il passe souvent par les images, les visages, regards des personnages ou non-dits, plus que sur les dialogues pour vraiment donner de l'ampleur à son oeuvre, celui-ci ne déroge pas à la règle.


Ici, c'est autour du retour d'un ancien amour dans la vie d'une femme qui vivait heureuse dans son nouveau couple, une arrivée qui va tout bouleverser et transformer la vie de ces gens-là. Le ton est d'abord plutôt léger, voire même comique grâce à un César caboteur et irrésistible avant que l'ambiance ne devienne plus ambiguë puis grave, une fois que chacun révèlera sa vraie nature. Sautet trouve toujours le bon équilibre, sachant passer d'un ton à l'autre tout en retranscrivant la complexité des enjeux et personnages, sans jamais tomber dans la facilité, bien au contraire même. Il dresse de passionnants et ambigus portraits, où chaque personnage se retrouvera confronté à d'importants dilemmes et devra faire face à des choix qui marqueront leur vie, mais aussi subir ceux d'autrui et voir ce qu'il considère comme le bonheur passer sous leur nez.


La mise en scène de Sautet sublime une écriture déjà d'une grande qualité et profondeur, tant dans les dialogues que les personnages, où aucun ne laisse réellement indifférents. Il fait peu à peu rentrer son oeuvre dans une forte dimension émotionnelle où chaque image se révèle d'une grande richesse. Il met l'homme face à sa nature, ses pulsions et ses réactions souvent incontrolées et influencées par de profonds sentiments comme l'attachement ou la peur. C'est notamment la peur de voir l'autre souffrir qui anime César et Rosalie, mais aussi la peur de l'avenir et de la construction d'une vie qui va impliquer celui ou celle que l'on aime, et c'est de nombreux sentiments humains comme la lâcheté, l'amour, la fuite, l'orgueil ou la tristesse que Sautet étudie. De nombreuses séquences en deviennent marquantes, à l'image de la façon dont Sautet met Montand face à la vie et les choix de ses proches venir directement le blesser ou encore toutes les scènes en bord de mer, qu'il ne manque pas de sublimer.


Sa réalisation est toujours très fluide où il se montre sobre pour mieux faire ressortir la complexité et l'émotion des personnages. La force du film, c'est aussi de nous y immerger et Sautet donne aux spectateurs l'impression d'être aux côtés des personnages entre Paris, Sète et Noirmoutier, autant de lieux qu'il capte à merveille, tout comme le contexte de l'époque (l'évolution des moeurs, la vision de la vie etc). L'ambiance oscille entre plusieurs tons, que ce soit dans la gravité, la mélancolie ou la fascination tandis que Philippe Sarde écrit une merveilleuse partition collant parfaitement à l'atmosphère et aux images. Comme souvent chez Sautet, la réussite vient aussi des interprètes où Yves Montand est tout simplement remarquable, aussi maladroit que sincère, sachant nous faire passer par tout un panel d'émotion, parfois d'un simple regard, sans jamais tomber dans la caricature tandis que face à lui, Romy Schneider est aussi belle qu'émouvante et Sami Frey retranscrit lui aussi la complexité de la nature humaine. Ces acteurs montrent aussi que l'émotion ne passe pas forcément par des mots, mais aussi, voire surtout, par les gestes, regards ou non-dits, ce qu'ils font merveilleusement.


Claude Sautet est un cinéaste de la vie, des sentiments et de l'humain et il le montre merveilleusement avec César et Rosalie, où il fait preuve d'une incroyable justesse et intelligence pour étudier mais surtout nous faire vivre, avec passion, déchirure et bouleversement, la complexité et la richesse des émotions.

Docteur_Jivago
10

Créée

le 2 oct. 2015

Critique lue 3K fois

67 j'aime

14 commentaires

Docteur_Jivago

Écrit par

Critique lue 3K fois

67
14

D'autres avis sur César et Rosalie

César et Rosalie
Docteur_Jivago
10

La recherche du bonheur

Dans ces années 1970 qui verront la société fortement évoluer, Claude Sautet continue de dresser le portrait de sa génération et d'une classe moyenne d'origine populaire où, derrière l'apparence...

le 2 oct. 2015

67 j'aime

14

César et Rosalie
DjeeVanCleef
7

Rosalie, Rosalie - Oh Rosalie, Rosalie - Ah

Il y a dans cette évocation de la petite bourgeoisie parisienne du début des années 70, le lourd héritage de Mai 68 qui en libérant la femme, l'éloigna de la cuisine, et de la vaisselle...

le 15 juin 2013

62 j'aime

35

César et Rosalie
Jambalaya
8

Le combat des chefs

Par amour d'une femme, deux hommes vont s'affronter à fleurets pas toujours mouchetés. L'emportera celui qui saura le mieux être sincère avec elle et avec lui-même. C'est à peu près le résumé de ce...

le 25 sept. 2013

34 j'aime

7

Du même critique

Gone Girl
Docteur_Jivago
8

American Beauty

D'apparence parfaite, le couple Amy et Nick s'apprête à fêter leurs cinq ans de mariage lorsque Amy disparaît brutalement et mystérieusement et si l'enquête semble accuser Nick, il va tout faire pour...

le 10 oct. 2014

172 j'aime

35

2001 : L'Odyssée de l'espace
Docteur_Jivago
5

Il était une fois l’espace

Tout juste auréolé du succès de Docteur Folamour, Stanley Kubrick se lance dans un projet de science-fiction assez démesuré et très ambitieux, où il fait appel à Arthur C. Clarke qui a écrit la...

le 25 oct. 2014

164 j'aime

47

American Sniper
Docteur_Jivago
8

La mort dans la peau

En mettant en scène la vie de Chris The Legend Kyle, héros en son pays, Clint Eastwood surprend et dresse, par le prisme de celui-ci, le portrait d'un pays entaché par une Guerre...

le 19 févr. 2015

152 j'aime

34