J'ai toujours beaucoup de mal avec les critiques, alors je fais comme ça vient. J'ai apprécié ce film, je l'ai trouvé intelligent, plutôt subtil. Si on peut regretter, comme souvent dans ce genre de film, certains passages "attendus", on reste bon public et la mayonnaise prend. Les acteurs jouent à la perfection, les gestes sont minutieux et les dialogues fonctionnent.
Plusieurs éléments ont retenu mon attention.
- D'abord, Marcel, le muet, on pourrait en dire beaucoup de choses. Finalement, il trouve le moyen de s'exprimer et d'en dire plus (par les signes et la musique notamment) que son frère Georges qui a pourtant la parole. Traumatisé par la guerre et l'absurdité de la condition humaine, il essaye d'accorder de l'importance aux choses essentielles : vivre.
- Le cinéma a ici toute son importance car il est le seul moyen de montrer ce qui se passe dans la tête de Georges, le personnage principal. Il n'y aurait aucune autre manière de mettre en question le sentiment post-traumatique familial lié à la Grande Guerre que par le filtre cinématographique. C'est un film psychanalytique (freudien). D'ailleurs, ce va et vient incessant entre présent et flashs mémoriels est ce qui fabrique le film.
- A plusieurs reprises, des mises-en-abyme sont opérées comme lorsque le tirailleur, proche de Georges, se donne en spectacle en reproduisant les aventures de Georges lors de la Grande Guerre. D'ailleurs, le choc-civilisationnel va jusqu'à la découverte du rétro-projecteur dans une case africaine (clin d'œil évident au cinéma).
- J'ai adoré le symbole de la tour Eiffel qui porte bonheur. A cause de cette idée, le tirailleur, ami de Georges, est tué. C'est sans aucun doute une manière d'exprimer la violence de la colonisation française et le mépris des peuples soumis.
- J'ai aussi apprécié les références littéraires présentes, "Le Dormeur du Val" d'Arthur Rimbaud et en filigrane, A la Recherche du Temps perdu, particulièrement "Du côté de chez Swann", sans doute confirmé par le choix de prénom de la fiancée de Marcel, Madeleine (personnage du roman de Marcel Proust).
- Au fond, il s'agit d'un film très camusien qui s'accorde le temps de dérouler l'absurdité de la condition humaine, prenant le cadre de la colonisation et de la guerre comme arrière-plan.
Tout ceci n'a aucun sens et est contrebalancé à la toute fin du film par Georges répondant à une interpellation sur ce qu'il comptait faire à Saigon, "Vivre".
Le Cinéma, l'Amour, la Vie l'emportent.
Je conseille ce film, sans dire pour autant qu'il s'agit d'un chef d'œuvre.