La comédie dramatique s’est souvent intéressée à l’adolescence, cette période de transition entre l’enfance et le monde des adultes. C’est une période des premières fois où le personnage se cherche, fait profil bas généralement au milieu d’une famille atypique, ne se sent pas à sa place et trouve dans l’isolement un refuge qui lui permet de garder une part d’enfance, comme s’il restait dans son monde. Généralement, c’est un genre qui donne de correctes productions et il faut dire que le succès surprise de Little Miss Sunshine, qui suit davantage le road-trip d’une famille névrosée, a fait naître une vague de films de genre. Outre le fait qu’ils coûtent peu et peuvent rapporter beaucoup d’argent, c’est surtout un terrain de jeu formidable pour des acteurs, jeunes ou expérimentés, de la comédie qui souhaitent s’essayer en douceur au drame. Steve Carell avait démontré qu’il pouvait être un acteur touche-à-tout avec son personnage de dépressif passionné de littérature française dans Little Miss Sunshine. D’autres s’y sont essayés comme John C. Reilly dans Terri, ou d’autres pour toucher pour la première fois à la comédie, comme ce fût le cas de Charlize Theron dans Young Adult. Le cinéma américain s’est adapté à cette offre plaisante et légère et nous a offert quelques bons films comme Le Monde de Charlie de Stephen Chbosky, le Juno de Jason Reitman, le sympathique Adventureland de Greg Mottola, le sans plus Be Bad de Miguel Arteta, le moins connu justement Terri d’Azazel Jacobs ou plus particulièrement The Descendants, écrit par Jim Rash et Nat Faxon. Ça tombe bien, ces derniers sont les réalisateurs –et acteurs- de Cet été-là. Plus britannique, il faut également se remémorer le très bon Submarine de Richard « IT Crowd » Ayoade. Et comme chaque année, ce genre de productions fait partie des œuvres applaudies à Sundance, la Mecque du cinéma indépendant américain. Alors au final, si Cet été-là est un film très sympathique, il ne se démarque pas franchement des précédentes productions.
Premier plan, les yeux de Steve Carell dans le rétroviseur d’une voiture essayant de capter l’attention de son beau-fils. S’ensuit un court dialogue qui donne direct le ton sur la relation qu’il partage et fait apparaître une personnalité orgueilleuse et sévère chez Carell. Avec cette introduction, émerge une pensée qui rappelle que Steve Carell est un acteur à films indépendants aux succès assurées. Ces dernières années, il a enchaîné les rôles dans Tous les espoirs sont permis ; Jusqu’à ce que la fin du monde nous sépare ; Crazy, Stupid, Love et évidemment Little Miss Sunshine. Et plus il fait ces films, plus il développe des personnages qui contrastent avec le Steve Carell d’avant, celui de 40 ans, toujours puceau, The Dinner ou Max la Menace. Il se fait un nom qui peut être employé à différents registres et il sera extrêmement intéressant de le voir dans Foxcatcher, un drame réalisé par Bennett Miller (Le Stratège). A la place du passager, se trouve sa femme, Toni Colette -une vieille connaissance de Little Miss Sunshine- endormi, refusant de voir cette relation complexe entre ces deux hommes qui se partagent la même femme, à leur manière. Zoe Levin, la demi-sœur niaise et débile ignore également cette discussion, ignore en fait tout ce qui se passe dans la voiture. Elle n’est qu’une ado attardée et égoïste. Tout à l’arrière enfin, le personnage de Duncan, interprété par un Liam James en retenu mais sincère (déjà vu dans 2012 ou Alien vs Predator : Requiem). Ce qui apparaît déjà dans ce genre de films, c’est cette volonté de mettre toujours en avant un casting des plus représentatifs. La suite du film verra apparaître des têtes connus comme Rob Corddry, Amanda Peet ou Maya Rudolph.
Pour être franc dès le départ. Le film accumule un nombre incalculable de clichés. Si on s’en défait assez rapidement pour suivre l’histoire bien plus sympathique se déroulant à la piscine, il faut reconnaître que la sœur débile, le beau-père autoritaire, la mère naïve, les amis particuliers et les retournements de situation de type adultère, c’est du déjà-vu et ça joue cruellement contre le film. Oscarisé pour The Descendants, à la fin de la cérémonie se dressait déjà une certaine amertume tant le scénario de Jim Rash et Nat Faxon n’était pas un modèle de récompense. Trop impersonnel, trop standard, trop peu innovant donc. Mais paradoxalement, si tenté que l’on rentre facilement dans Cet été-là, il est facile de se défaire de ces quelques stéréotypes pour assister aux vacances de ce gamin qui ne trouve sa place que dans sa relation avec un homme décomplexé et enfantin. Car le film prend son envol véritablement dès lors que Duncan rencontre Owen, qui travaille au parc de loisir Water Wizz. Aidé par une spontanéité généreuse et pleine de justesse chez le personnage d’Owen, la performance de Sam Rockwell est le vrai rayon de soleil de ce film. Le genre de mec qui prend tout à la légère, le gars cool mais enclin à aucune ambition, qui n’ose pas se construire une histoire, qui vit la vie au jour le jour avec son lot de plaisirs mais également de désenchantement. Il va trouver en Duncan, l’Owen d’autrefois également victime d’une enfance troublée. Deux personnages qui vont s’apprécier et se compléter. Le film aurait dû encore plus jouer sur la relation qui les unie car c’est le point fort du film. Hormis se soumettre aux règles imposées par les producteurs, il n’y avait nul besoin de coller à Duncan, une amourette de vacance et un conflit familial. Si ces éléments servent à dramatiser le film, aucune réelle empathie ne s'en dégage pour ressentir de la pitié à l’égard de cet adolescent. Les meilleurs moments se trouvant à la piscine, où Duncan travaille pour se séparer de l’ambiance familiale oppressante et négative à son humeur. A force de travailler dans de bonnes conditions, il prend confiance en lui, se sociabilise et devient presque le garçon populaire du coin. Il y a une bonne humeur communicative qui se dégage de ces instants. C’est de cette manière que le film aurait du se poursuivre, se poser comme une véritable comédie plutôt qu’un film sur l’adolescence, où le rire croise la tristesse. Le film a beau être sympathique, le scénario fait maintes fois penser à une redite de The Descendants, comme si la même recette était employée dans un environnement plus léger encore. Dans ces deux films, il y a surtout une prise de conscience qui intervient pendant les vacances, au bord de la mer. Alors qu’il s’agit d’un lieu qui a pour habitude de s'éloigner du stress de la ville et de l’ambiance familiale, les réalisateurs/scénaristes/acteurs tiennent là un paradoxe qu'ils semblent particulièrement apprécier puisqu'ils ressassent les mêmes ingrédients de The Descendants pour Cet été-là.
Au final, Cet été-là est distribué trop tard en France. C’est typiquement le film léger du début de l’été. De plus, le sortir fin novembre alors qu’il est sorti depuis juillet aux Etats-Unis, c’est se tirer une balle dans le pied pour espérer en tirer un succès hexagonal. Outre ces problèmes de distribution, si le film bénéficie de bonnes critiques outre-Atlantique, il risque d’y avoir un accueil un peu plus nuancé dans nos contrées. La faute à un scénario qui se repose sur ses lauriers et ne propose rien de nouveau sous les tropiques. Evidemment, Cet été-là dispose d’une bonne humeur suffisante pour apprécier le film et d’un casting cinq étoiles chaleureux, dont l’interprétation de Sam Rockwell est le premier argument pour se déplacer dans les salles. Il reste dans la continuité des précédentes productions de genre mais est suffisamment sympathique pour éventuellement valoir le détour.