Si par de nombreux aspects, "Ceux qui m'aiment prendront le train" s'inscrit dans la plus pure tradition du cinéma français (des personnages complexes, meurtris, en crise, qui, malgré leur marginalité parfois outrancière - voir le transsexuel que personne ne reconnaît, le critique homosexuel pris entre ses deux amants - sont finalement proches de nous, car nous reconnaissons leur mal de vivre, leurs impossibles amours, leur désir de plaire), c'est par sa superbe mise en scène que Chéreau tranche définitivement par rapport au tout-venant hexagonal : fantastiquement maîtrisée (en particulier lors de la première partie, dans le train), cette mise en scène expérimente en permanence, non seulement grâce au filmage "à l'épaule", mais à un montage tendu et souvent surprenant. Mais Chéreau restant un (grand) homme de théâtre, c'est peut-être son extraordinaire direction d'acteurs que l'on retiendra le plus, puisque tout le monde (la fine fleur d'ailleurs du cinéma français) est ici époustouflant, même un Vincent Perez, que l'on avait jamais vu ainsi ! Il y aura certes des spectateurs qui seront gênés par l'ambiance hystérique, très "typée Chéreau",mais "Ceux qui m'aiment prendront le train" est indubitablement un moment fort de cinéma, un film fiévreux qui ne tombe pas une seule fois dans le pathos ni le drame "intello". A noter aussi la musique judicieusement moderne (voilà une BOF très "Inrocks") qui ajoute à notre ravissement. [Critique écrite en 1998 et 2000, retouchée en 2016]