J'attends la nuit noire pour dire tout le mal que je pense de ce film. Je garderai même mon masque auquel j'ajouterai un loup pour être sûr que personne ne me reconnaîtra et me posera la question de savoir si je n'ai rien d'autre à faire que d'aller voir un navet pareil. A plus donc, tard dans la nuit ou tôt demain matin.


A la veille de la réouverture des salles de cinéma, j'ai ouï dire que les réserves des distributeurs regorgeaient de films qui n'attendaient qu'une chose : venir gambader sur les écrans. Des centaines de films et on ne parle même pas des supposés blockbusters américains qui seraient prêts à déferler.


J'étais lassé de mon divan, les fesses et le dos couverts d'escarres malgré une activité effrénée au jardin et de longues déambulations méditatives sur des sentiers déserts et un agréable frémissement a parcouru ma colonne vertébrale, des lombaires aux cervicales et retour. Des impatiences dans les jambes et le regard brillant de convoitise, j'ai ressorti aussitôt mes starting-blocks de la naphtaline, fait tomber délicatement deux ou trois gouttes d'huile de machine à coudre dans leurs rotules. J'étais fin prêt et dès le coup de feu du starting gun, j'étais l'un des premiers à piaffer devant mon cinéma préféré.


Naturellement bon public, pas bégueule pour un sou, ne boudant que rarement mon plaisir, j'aime me fondre dans la masse et moutonner dans les files d'attente des cinémas. Je n'en suis pas encore à me bâfrer de pop corn arrosé de mauvais sodas, mais commence à comprendre le développement de cet étrange phénomène. Autrefois, nous allions au cinéma et à l'entracte une ravissante jeune femme (la même que celle qui s' amusait à déchirer les tickets d'entrée que nous avions chèrement payés) nous proposait d'une voix d'hôtesse de l'air en apesanteur des « Miko ! Chocolats glacés! ». Il n'y a plus d'entracte au cinéma, désormais les ventes se font dès l'entrée en même temps que le ticket. On ne mange plus de chocolats glacés mais des tombereaux de pop corn avec des tonnes de confiseries multicolores au glucose et l'eau sucrée avec son colorant et ses excipients coulent à flot.


En écrivant ces mots, je me fais l'effet d'un chauffeur de salle avant la prestation d'une calamité qui fera prendre les jambes à son cou au public le mieux intentionné. Il y a un peu de cela mais je vais devoir en venir au fait et aborder la délicate question du second film de Michèle Laroque. Chacun chez soi est un film de Michèle Laroque, sur un scénario de Michèle Laroque et avec la laborieuse prestation de Michèle Laroque dans le rôle principal.


Tout est dans l'offre. Un menu complet avec son billet d'entrée au cinéma est moins cher qu'un billet de cinéma avec son menu ou l'inverse peut-être. Tout dépend de la demande, si vous venez déjeuner ou dîner au cinéma ou simplement voir le film dont vous attendiez avec impatience la sortie.


L'offre et la demande. La grande loi de l'économie de marché. Chacun chez soi est la dernière offre de Michèle Laroque, mais en demandions-nous tant ? Chacun chez soi aurait pu se contenter d'être un simple navet avec un scénario sans consistance, peut-être même sans existence, des dialogues d'une rare indigence et des interprétations qui ressemblent davantage à des roucoulements de pigeon longtemps avant la saison des amours. C'est sans compter avec Michèle Laroque, qui après son lamentable Brillantissime en 2018, remet les couverts. Pourquoi s'obstine-t-elle à insulter ainsi notre intelligence et à essayer de nous faire prendre des vessies pour des lanternes ? Entre jouer et réaliser, il faut choisir, certains mènent de front les deux, tambour battant, mais ce n'est pas donné à tout le monde et Michèle Laroque semble avoir oublié que ce qui fait la limite d'un comédien c'est son talent et que c'est encore plus vrai pour un réalisateur.


J'évoquais précédemment l'idée d'un film que l'on pouvait avoir attendu avec impatience. Je vous ai vu froncer des sourcils avec un air dubitatif, vous demandant sans oser m'interroger ce que je pouvais bien avoir été faire dans cette galère. Plus menaçant encore, vous hésitez entre me classer parmi les masochistes qui vont au devant du désagrément ou les sadiques cherchant celui ou celle qu'ils pourront enfin incendier. Je vous rassure immédiatement. C'est une noble cause qui m'a fait pousser la porte de la salle.


Je suis un peu malentendant, pas sourd comme un pot, simplement un peu dur de la feuille. J'ai téléchargé l'application TWAVOX sur mon smartphone, une aide à l'audition dont l'aimable directrice du complexe a veillé à faire équiper ses salles. Tous les films n'offrent pas encore la possibilité de bénéficier de cette aide, mais celui qu'a commis Michèle Laroque en est doté. Le résultat est réellement concluant et je vous le recommande le cas échéant. Je parle de l'application, pas du film évidemment. Le film n'en a pas vraiment bénéficié, bien au contraire. L'application m'a surtout permis de prendre la pleine mesure de la vacuité des dialogues du film car qu'on le veuille ou non quand cela sonne creux c'est que c'est vraiment creux et aucun artifice n'y peut rien.


Pendant un court instant, je m'étais dit qu'il vaudrait peut-être mieux que je donne ma recette de tiramisu à la compote de rhubarbe agrémentée de quelques mûres ou de quelques myrtilles plutôt que d'infliger à ceux qui me lisent une ...critique du dernier film de Michèle Laroque. Puis je me suis ravisé en me disant que rien ne servait de tergiverser, quand il faut y aller, il faut y aller. Quoiqu'il en coûte !

Freddy-Klein
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le 17 juin 2021

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Freddy Klein

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