Je ne suis pas très familier du cinéma de Paul Vecchiali, tout au plus je me rappelle vaguement avoir vu L’étrangleur son film de 1970 qui d'ailleurs ne m'aura laissé aucun souvenirs particulier. Ce dont je me souviens le plus c'est de sa participation au documentaire Les Pornocrates dans lequel il déclarait que même le pire des films pornographiques qui se tournait en France dans les années 70 était plus important qu'un nouveau film de Claude Sautet. C'est d'ailleurs sous l'impulsion de Jean François Davy (réalisateur du film Les Pornocrates) que Paul Vecchiali va tourner Change Pas de Main un singulier film entre parodie de film noir des années 30, comédie musicale, thriller politique et pornographie, le genre de concept qui ne pouvait qu'éveiller la curiosité de mon esprit un poil déviant.
Change Pas De Main raconte l'histoire d'une femme promise à un poste de ministre qui découvre un film pornographique amateur dans lequel apparaît son fils. La femme engage alors Mélinda une détective privée afin de retrouver négatifs, films et photos compromettantes afin de faire disparaître les preuves et mettre fin à toute tentative de chantage.
Il y-a dans le film une petite ligne de dialogue qui m'a beaucoup amusé, qui est assez révélatrice de l'esprit du film et qui est : "Mais quelle idée de mettre un slip". Outre le fait qu'effectivement le film multiplie les séquences érotiques et les scènes pornographiques ce qui dispense de cet accessoire bien superflu, le film baigne un peu dans cette ambiance décontractée du bas ventre à la fois un peu légère, décalée, grivoise et insolente tout en restant un film globalement plutôt sérieux et même dramatique sur certains points. Et c'est bien en cela que le film tire son étrangeté, dans ce décalage entre une intrigue assez sérieuse avec pornographie clandestine, magouilles politiques, vengeance chantage et meurtres et des personnages et des univers bien plus légers et moins réalistes, voir surréalistes comme notre détective privée, une sorte de Bogart féminin bisexuelle et chantante souvent nue sous son impair. On croisera aussi dans cet improbable cabaret un travesti psychopathe, un ancien militaire qui occasionnellement tourne sur lui même dans son fauteuil roulant, un ancien mime qui de temps en temps se met à faire des chorégraphies bizarres ou ce bon Howard Vernon en politicien semblant toujours descendre de cheval. Le film explore le monde des nuits parisiennes, des cabarets, des dessous peu reluisants de la politique et de la bourgeoisie qui s'encanaille dans les interdits de la pornographie. Le film est plutôt bien écrit, l'intrigue tient la route et elle explore et explose pas mal de tabous de l'époque en proposant par exemple des séquences pornographiques gay et bisexuelles. Les dialogues du film signés Noël Simsolo (également acteur) sont parfois assez savoureux comme lorsque qu'une bourgeoise après une longue séquence de plaisir solitaire déclare à un homme qui souhaite lui faire un baise main très chic : "N’essayez pas de baiser les mains des dames ".
L'univers de Change Pas de Main est donc pour le moins particulier, outre le fait que le film regorge de scènes de sexe explicite on flirte aussi assez souvent avec des thématiques assez glauques et dérangeantes comme l'inceste, le viol, l'infanticide et la nécrophilie. Alors forcément le film ne saurait se résumer complètement à "Mais quelle idée de mettre un slip", on navigue vraiment dans une ambiance propre à son époque à la fois décalé, libertaire, expérimentale et provocatrice.
Ni vraiment palpitant ni désagréable, parfois brillant et parfois trop artificiel, Change Pas de Main reste une curiosité propre à son époque, le genre de film que l'on est content d'avoir vu mais que l'on quitte sans vraiment penser à la revoyure.