En comparaison avec un précédent film de propagande co-réalisé par Shimizu (L'armée avance - 1932), celui-ci fait figure de chef d’œuvre. Et si on fait abstraction du fond - et de la finalité - de cette commande, on pourrait presque dire que c'est un honnête film à sketch.
Précisons quand même, et avec les pincettes de rigueur, que le film valorise surtout les japonais dans leur quotidien qui soutiennent à leur manière l'effort de guerre par leur mentalité et leur abnégation. On n'est pas vraiment dans la glorification belliqueuse ou l'auto-congratulation de l'impérialisme japonais sur les territoires brutalement conquis. C'est en ce sens moins "problématique" que Nuits de Chine par exemple. On est davantage dans la chronique d’instantanés typiquement japonais qui possède à leur façon une sensibilité typiquement japonaise, ce qui permet d'identifier par moment certains des auteurs des 13 segments plus ou moins liés. Shimizu est ainsi logiquement derrière l'épisode où un père encourage son fils de 7 ans à s'engager dans l'armée de l'air. Ce dernier s'en fiche totalement sur le moment, préférant jouer avec des maquettes d'avions en papier (et comme ses camarades les cassent souvent, le père y trouve une fierté, voyant en eux de futurs kamikazes !). Pour le coup, c'est assez frais et décalé, pas franchement dans une propagande au premier degré, à l'instar de celui qui suit une sorte de policier de campagne sautant à pied joint sur les abris anti-bombardement pour tester leur solidité (et qui cède très facilement). Il y a aussi un un assez joli segment – du à Tasaka ? – où un jeune officier militaire fait preuve de bienveillance envers un soldat ivre et somnolant dans un tramway.
Mais dans la majorité, ça reste tout de même davantage ancré dans le conflit : Mizoguchi est sans doute le réalisateur de l'épisode où une jeune femme cherche à convaincre un entremetteur de ne pas annuler son mariage avec un homme qui vient d'être mobilisé. Il a peut-être aussi signé celui bien trop très bref sur Kinyuo Tanaka se réfugiant dans un abri avec son bébé. Je vois bien Shimizu signer celui où une adolescente évoque le bombardement d'un navire japonais de la Croix rouge par l'armée américaine (oubliant bien sûr que le Japon a commis de bien pire atrocités ailleurs). On y retrouve son sens de l'épure et de la sobriété, et le travelling final qui suit son frère sur un petit sentier est typique de ceux qu'on trouve dans La femme et ses masseurs.
On a droit également un numéro de music hall (assez médiocre) ou de charmant enfants chantant innocemment qu'ils vont envoyer McArtur en enfer. Plus intéressant sont les images documentaires ou d'actualités pris sur le vif qui donnent quelques images saisissantes qu'on a pas l'occasion de voir souvent : des civils fuyant vers les abris, des travailleuses dans les usines, des quartiers en flammes...
Par contre les 20 dernières minutes sombrent dans l'éloge sans finesse des kamikazes entre pilotes sur le point de s'envoler ou des parents dont les fils sont morts et qui poussent la chansonnette avec leur instructeurs.
Dans l'ensemble, c'est une bonne curiosité, souvent oublié dans la filmographie de Mizoguchi, qui possèdent son lot de qualités, parfois cinématographiques, parfois socio-historiques. Et mine de rien, la concision narrative est souvent brillante, chaque histoire durant moins de 5 minutes en moyenne. Il faut seulement s'y lancer en toute connaissance de causes.