En se voyant proposer une confrontation avec Jason Statham, Wesley Snipes aurait pu (aurait dû) relancer sa carrière sur le grand écran. Oh je ne dis pas qu’il a arrêté de tourner mais ses rôles se cantonnent essentiellement (et ça continue) à des productions télé, et ce malgré des débuts prometteurs.
Prometteur : voilà ce qu’est ce Chaos. Entre un braquage de banque qui semble être tout ce qu’il y a de plus classique, une prise d’otages également classique, et le fait que le leader des malfrats ne veuille qu’un seul et unique interlocuteur (et pas n’importe lequel), la matière est là pour capter l’attention du spectateur malgré une légère sensation qu’il va assister à du déjà-vu plus ou moins recuisiné.
L’opposition se met en place doucement et effectivement, il semble qu’on se dirige vers du déjà-vu. Eh bien non ! Pas tant que ça en fait. Chaos est un polar au scénario saupoudré d’une sacrée dose de complexité, pour en faire une intrigue à plusieurs tiroirs, orchestrée sur une bonne musique de Trevor Jones. Ceci a ses avantages et ses inconvénients. D’abord on sort du schéma classique de la négociation pour se diriger vers un discours aux airs philosophiques où chaque mot compte. Même les mots « théorie » et « chaos » ont été soigneusement séparés. Et pourtant, c’est bien la théorie du chaos qui est évoquée, et cette conversation se fait l'écrin d’une véritable mine d’indices. Des indices synonymes d’informations capitales, dont le spectateur saisira l’importance par la réécoute scrupuleuse de cette discussion. Il sera habilement dirigé vers le décorticage de cette théorie (somme toute resté relativement simple), revêtant cette affaire d’un aspect peu singulier. D’autant plus qu’elle semble rattachée à une autre affaire ayant eu lieu quelques temps plus tôt, sur le pont de Pearl Street, scène par laquelle le film débute. Mais comment ? Se peut-il que cet affrontement ne soit que le simple désir de vengeance de la part d'un membre de la famille du voyou abattu ?
A côté de ça, nous avons affaire aussi à un buddy movie grâce au tandem créé par l’association entre un flic chevronné aux méthodes radicales et un jeune flic plus raisonné pour lequel chaque détail compte. Un jeune flic brillant, quoi. Ainsi, autour de cette affaire a priori organisée autour de la théorie du chaos, le spectateur se voit offrir une triple confrontation qui va l’amener jusqu’à un dénouement final retentissant.
Cependant, la complexité du scénario demande un maximum de concentration et le spectateur peut facilement décrocher au fil des mauvais raccords (on voit les débris de verre sur le casque et l’épaule de Shane quand il circule à moto (super maniable, la moto, d’ailleurs !!) alors que sur le plan d’avant il n’y en avait plus) ou de quelques effets un peu surfaits tels que cette explosion à la banque en début de film. Le spectateur perdra le fil d’autant plus facilement si Chaos est diffusé sur les chaînes de télévision qui balancent des pages de pubs à tout va. C’est pour cette raison qu’il semble logique que la majeure partie du public puisse ressentir le besoin de visionner assez rapidement ce long métrage au moins une seconde fois afin de bien comprendre tous les éléments, et encore… Parce que croyez-moi, il y a de quoi mettre à rude épreuve les méninges, au même titre que celles de Shane. Les fausses pistes sont nombreuses, et l’enquête ne manque pas de relief au vu des nombreux rebondissements. De là à accepter l’idée d’accorder presque deux heures (en comptant le temps de s’installer et tout et tout) de son temps à un film qu’on vient juste de voir… ça, c’est une autre paire de manche. Mais c’est le prix à payer pour tout comprendre, ce qui permettra au passage de réaliser que le scénario est assez bien foutu et écrit aux petits oignons.
Quoiqu’il en soit, Ryan Philippe rivalise sans difficulté avec Jason Statham et Wesley Snipes, et leur vole même presque la vedette, muni de son regard intense et déterminé. C’est lui qui s’en sort le mieux, parce que Statham et Snipes semblent chacun de leur côté trop sûrs de leur art, ce qui les rend arrogants, voire désinvoltes avec cette espèce de sourire permanent vissé aux coins des lèvres. On a l’impression qu’ils n’ont rien à foutre de ce que les autres pensent et qu’il ne manque plus que le fameux « je t’emmerde » dans leurs répliques. Et ça, c’est assez dérangeant, je dois dire…