Les grandes fresques de Richard Attenborough, fascinantes et éprouvantes à la fois compte tenu de leur densité et de leur longueur certaine, réussissent souvent à mêler le biographique à l’historique par la composition d’un récit romanesque. On pense à Gandhi, à Churchill. Le cas Chaplin reste plus contrasté, en ce que le réalisateur, aveuglé par deux ouvrages qu’il adapte en les regardant de trop près, fait preuve d’une courte vue qui endommage la fluidité de sa trame narrative, sans cesse cassée dans sa dynamique par des ellipses avec datation et localisation, voix off issue d’un segment cadre qu’enchâssent des récits rétrospectifs. Nous avons l’impression de parcourir un album de vignettes et de photographies en compagnie de l’aïeul qui les garde précieusement, mémoire vive de son existence passée, support essentiel à la transmission de génération en génération.
Or, le génie burlesque de Chaplin méritait certainement davantage qu’un tel tracé biographique, aussi déstructuré soit-il, qui dit peu de l’homme et encore moins du génie de l’artiste. Prises en étau entre deux périodes au contexte politique différent, les séquences de spectacle échouent à susciter le rire et ainsi révéler l’atemporalité de ce comique à la croisée du slapstick, de l’attaque polémique et du mélodrame poignant. Les louvoiements incessants du cœur, les incertitudes et les tensions font de Charlie Chaplin un être banal, comme le reconnaît explicitement son biographe à mi-parcours. Cette vision somme toute primaire méritait-elle qu’on y consacrât plus de deux heures ? Reste un acteur formidable à la performance saisissante : Robert Downey Jr.