Entre faux thriller et comédie noire en filigrane, "Carvão" est un film brésilien et argentin assez curieux qui réussit au moins un petit peu à tisser le récit d'une histoire presque quelconque, autour d'une famille de la campagne brésilienne, pour en faire une sorte d'allégorie qu'on peut imaginer reliée au sort du pays tout entier. Les thèmes : la condition des vieux, l'emprise des cartels de la drogue, la corruption, et la misère quotidienne.
Le cadre est sans surprise dans ses termes, mais doté d'un petit parfum exotique de par la situation géographique : dans un coin rural de São Paulo, une famille de paysans galère à joindre les deux bouts. La mère gère la maison, le père bosse dans le charbon, et leur enfant de 9 ans partage sa chambre avec le grand-père malade et très affaibli. La vie n'est pas rose mais Carolina Markowicz laisse penser que cette situation courante aurait pu continuer encore pendant longtemps. Un jour, l'infirmière en charge des soins du grand-père est remplacée par une autre personne qui, subitement, se montre très dure envers l'état de santé du grand-père (quelque chose du genre "il va sans doute bientôt crever, c'est la cata") : c'est en réalité pour mieux proposer à la femme une magouille et remplacer l'ancêtre par un baron de la drogue qui cherche une planque pendant un moment, le temps que des ennuis (judiciaires a priori) se tassent. En échange, bien sûr, un certain confort financier et matériel.
Puis vient le temps de la cohabitation, un peu dans le sillon de "Teorema" de Pasolini, avec l'étude de l'influence de cet homme sur le foyer. Sans surprise, héberger un gros bonnet du trafic de drogue n'est pas la meilleure des situations, et les choses vont se compliquer sérieusement. Au point qu'un jour, le gamin se fera choper à l'école en train d'essayer de se procurer de la cocaïne... On peut ainsi voir le film comme la propagation de la corruption, économique et morale, au sein de la maison — mais donc aussi, allégoriquement, du pays entier gangréné. "Carvão" est un peu balourd dans l'ensemble, un peu répétitif aussi une fois la situation nominale établie car dénuée de vraies péripéties. Le personnage du narcotrafiquant exerce une fascination à différents niveaux chez la famille, alternant entre différents comportements — on parle espagnol et portugais dans le film, sans doute que l'on perd un peu des nuances en n'étant pas trilingue. Un huis clos qui renferme une forme de violence insidieuse, latente, comme une bombe à retardement insérée dans un environnement paisible, malgré quelques ajouts scénaristiques superflus.