Adaptation libre d’un roman de Modiano, Charell se vit telle une errance à majorité nocturne d’un homme sur le retour dans des lieux parisiens à forte impression mémorielle. C’est un film très troublant, sans rythme défini, sans accroche linéaire, sans normes, il dure quarante-cinq minutes, il pourrait tout aussi bien en durer dix ou deux cents.
Un homme croise un jour le regard de celui qui fut son ami d’enfance, il y a plus de vingt ans. Ils échangent un peu avant que celui-ci ne lui fasse en quelques sortes partager un peu de sa vie. Il l’accueille chez lui et lui présente sa femme, une autre fille est là, première apparition, endormie, assoupie et angélique attise la curiosité et la gêne du garçon invité. Un autre homme débarque puis repart après avoir proposer à Charell de lui ramener du gibier. On comprend que c’est un appartement à femmes. Pourtant dès lors nous n’en verrons plus, si ce n’est cette femme, d’un âge sensiblement similaire au sien, mystérieuse et dépressive.
Lorsque Charell propose à son ami de l’accompagner chez un ami dans un appartement du bois de Boulogne, celui-ci refuse, préfère la marche à la voiture. Il ère, continuellement. Se souvient. Ce sont les lieux qu’il traverse qui lui évoquent probablement de nombreux souvenirs. Mais le film s’en tiendra à cette épure. Epure d’un replacement, épure des mots. Une majorité des plans Hersiens seront fixes et d’ensemble sur les abords des champs, des boulevards, la tour Eiffel dans le fond, jamais bien loin, et Boulogne Billiancourt surtout, déjà, tant magnifiée dans son premier long métrage quatre ans plus tard, Memory Lane.
A rester trouble, le film frôle l’hermétisme pourtant il se dégage une ambiance si particulière qu’il fascine, saisit par sa beauté, son silence, son mystère, comme s’il tentait de faire partager une sensation impossible à partager, une mélancolie si personnelle qui ne peut surgir qu’au travers d’un regard, au croisement d’images du passé projetées dans la réalité présente. C’est à la fois prometteur et raté. Tout le cinéma de Hers est déjà là, se met gentiment en route.
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