Étrange, fascinant et parsemé de discours idéologiques, Charisma est un film de Kiyoshi Kurosawa qui rappelle aisément le travail d'Andrei Tarkovski sur Stalker dans ses qualités comme dans sa froideur. Mais là ou ce dernier évoquait les conflits et la décrépitude d'une Union Soviétique au bord du gouffre, le réalisateur japonais traite de clans en opposition dans ce qui semble rejouer la crise identitaire du Japon contemporain.
Par l'image ou par les mots, Kurosawa évoque les tendances suicidaires du Japon (pendaison en forêt), la bombe atomique, la confrontation entre l'idée du groupe propre à la société japonaise (la Forêt) et celle de l'individu qui amènera la question du capitalisme et de la loi du plus fort (l'arbre). A travers quelques éléments que l'on retrouve dés l'introduction du film, Kurosawa évoque à nouveau dans son cinéma les tendances sectaires du Japon, 4 ans après l'attentat au Gaz Sarin du métro de Tokyo par la secte Aum Shinrikyo, qui cherchait à détruire la société et le pouvoir japonais en place, pour que ne reste que "les forts" : la secte du gourou Shoko Asahara.
A mon sens Charisma n'est pas film le plus accessible de son réalisateur de par son rythme ainsi que le mélange des humeurs (le thème musical récurrent qui rompt souvent la tonalité des scènes) qui peut parfois désarçonner un spectateur peu averti. On peut regretter comme pour d'autres films japonais de cette époque le manque de moyen sur les quelques effets spéciaux numériques présents, mais c'est un bien maigre défaut à l'égard de ce que propose Kurosawa à l'image et au son, tant l'immersion est réussie au cœur de cette foret étrange où le sort de la société japonaise tout entière semble se jouer.