Charlot et le Chronomètre par Maqroll
Les historiens du cinéma ne sont pas tous d’accord pour désigner le premier film de Chaplin en tant que réalisateur. Il me paraît pourtant que Twenty Minutes of Love, bien que co-signé par Joseph Maddern, est indiscutable. Tout d’abord, le personnage de Charlot est définitivement et pour la première fois fixé : chapeau melon, petite moustache en brosse, veste trop petite et élimée, veston miteux, pantalon trop grand de même que les chaussures (pointure 48 alors que Chaplin chaussait du 39 !) qui lui donnent cette démarche en canard caractéristique. Et puis le scénario est nettement plus élaboré : finis les courses poursuites et les coups de pied au derrière qui constituaient l’essentiel pour ne pas dire la totalité des films précédents de la Keystone. Ici, on a une histoire suivie où, dans un jardin public (lieu essentiel des premières comédies de Chaplin), Charlot essaie de séduire une jolie fille en éconduisant un rival, le tout sous l’œil d’un policier de passage… Et surtout, l’accent est mis sur les personnages et non plus sur les situations et c’est bien là le trait constant de toute l’œuvre de Chaplin que cette prépondérance attachée à l’humain, quelles que soient les circonstances. Pour achever cette impression qui devient certitude, on note que les gags sont renouvelés et inventifs, que la mise en scène est rythmée de manière plus légère (bien qu’aussi rapide) et que le jeu de Chaplin est encore plus travaillé et précis. Bref, une vraie réussite pour une incontestable première.