Le défaut principal du deuxième film de Sophie Lorain réside dans son refus de dépasser l’empilement des histoires de cœur comme étagées dans ces mêmes espaces qui servent à stocker les jouets du magasin, soit l’impression d’un sur-place corroborée par le recours au noir et blanc qui a tendance à figer ici les dynamiques amoureuses dans un sur-place poseur et répétitif. En résulte un conflit insoluble entre des personnages débordants d’énergie et un format qui atrophie cette énergie, qui l’écrase et la range dans une caisse étiquetée libertaire alors que la liberté balbutiante représentée ne réussit jamais à quitter le cadre d’une image trop étroit, trop étouffant.
Les actrices et acteurs jouent pourtant assez bien et parviennent à insuffler à leur personnage ce qu’il faut de naturel et de fragile pour en faire des émanations concrètes de la jeunesse contemporaine – du moins d’une jeunesse contemporaine, la québécoise – confrontées à leur incessant désir et à leur sexualité vorace. Quelques scènes fonctionnent mieux que d’autres, notamment un échange émouvant et brutal entre une adolescente convaincue que l’abstinence est la solution à ses difficultés et une jeune femme enceinte qui porte malgré elle un enfant qui l’écarte à jamais de cette classe sexuelle qu’est l’adolescence et à laquelle elle ne peut plus appartenir. Car c’est quand le film cesse son incessant ballet de corps qui s’activent, des paquets dans les bras, quand les sauts spatiaux et temporels se calment enfin, que naît la justesse, que résonne la douleur d’un être au monde et de son incapacité à entrer en dialogue avec autrui, à concilier son désir avec celui d’autrui.
Pour interroger le regard complexe que porte la jeune femme sur elle-même, sur son corps, ses désirs, ses besoins et surtout sur le statut que lui valent ses relations – à la différence des garçons pour qui la conquête amoureuse fait d’eux des chasseurs, non des potentielles traînées –, il aurait mieux fallu renoncer à l’esthétisme tape-à-l’œil et clinquant, ou alors en faire le parti pris de quelques séquences oniriques aussitôt apparues aussitôt détruites par la désillusion. En lieu et place, Charlotte a 17 ans (titre traduit en français et adouci par rapport à l’original) cultive le « tout ce qui brille » mais ne réussit pas assez à extraire du noir et blanc le noir couleur de l’amertume et de la douleur, ni à véritablement montrer l’évolution dialectique entre le noir et le blanc. Dommage.