... or a crippled man would laugh at a moron?"
Il y a un sujet sincèrement passionnant derrière "Charly", un film issu du cinéma indépendant américain de la fin des années 1960 : celui de l'augmentation de l'intelligence de manière complètement spontanée, artificielle, théorique, indépendamment du reste. C'est une thématique de science-fiction insérée avec beaucoup de douceur dans le film, si on le regarde de manière distraite on pourrait presque rater cette composante essentielle. Un ajout subtil, mais qui n'est pas totalement épargné par les approximations d'une production de l'époque et de ce type, à savoir une forme de naïveté dans l'approche sociologique et des moyens mis à disposition qui n'ont pas l'air incroyablement larges.
En termes de lourdeur, Cliff Robertson parvient à éviter le gros du pire dans l'interprétation d'un handicapé / retardé mental — disons qu'il est beaucoup moins antipathique qu'un Dustin Hoffman sur ce secteur. C'est assez étonnant, le temps (un peu trop long) que le film passe à décrire la situation, ses limitations, les efforts des scientifiques pour évaluer son état en le comparant avec une souris dans l'établissement d'une solution d'un labyrinthe. Et puis un jour, une opportunité voit le jour : une opération miracle pourrait débloquer ses facultés intellectuelles. Non pas un saut quantique vers l'intelligence à la "Limitless" ou "Lucy", mais bien une sorte de déblocage : tous les efforts qu'il mettait dans diverses tentatives d'apprentissage se transforment du jour au lendemain en mécaniques ultra efficaces qui lui font apprendre à vitesse maximum.
Mais bon, de la même manière qu'il n'y aurait pas de film si cette tentative de SF ne fonctionnait pas, il n'y aurait pas de film si cette transformation se déroulait parfaitement, sans encombre... Et c'est là tout le potentiel raté du film, qui aurait pu filer vers une sorte de film catastrophe, ou plus chargé émotionnellement, dans le sort réservé à Charly. Il passe par la case de génie soudain, confronté à des parterres de scientifiques qu'il domine allègrement (avec une vision assez cynique de l’humanité que ces derniers prennent à tort pour de l'humour), et sans charpente émotionnelle pour le supporter. Et puis, la régression pointe le bout de son nez.
Les intentions sont fort louables, que ce soit du côté du traitement réservé aux personnes limitées intellectuellement dans la vie courante ou en tant que sujet d'expériences scientifiques, mais on peut facilement reprocher au film son côté bourrin pour développer son propos. Tout ça est tracé à traits bien épais. Certaines questions sont d'ailleurs laissées en suspens, comme notamment le reliquat de gains intellectuels qui peut perdurer au sein de cet homme après qu'il est retourné dans son état initial. Mais visiblement Ralph Nelson était plus préoccupé par des tics de mise en scène (split screen, montage parfois étranges, filtres photographiques multiples) très typés 60s que dans le développement de ces aspects-là.