Si l’on en croit la voix off volontairement solennelle et ironique, Charmants garçons ferait le portrait d’une danseuse de cabaret doublé de celui des figures masculines des Trente Glorieuses, qui se ressemblent toutes ou presque. C’est un film grassement cynique, une comédie qui confond la légèreté et la paresse. Une sorte de vaudeville théâtral aux gags éculés, aux chassés croisés lourdingues, aux personnages grossièrement dessinés et à la voix off insupportable, qu’elle provienne du narrateur omniscient ou de l’un des personnages. Quant aux chorégraphies (il y a deux chansons, signées Guy Béart) elles font peine à voir, si toutefois on était amené à les comparer au modèle américain. Et en somme cela ajoute au cynisme ambiant : Henri Decoin ne doit pas aimer le genre de la comédie musicale pour le ridiculiser de la sorte, par deux fois. Néanmoins on se prend parfois au jeu, dans un élan de clémence troublant. Sans doute parce qu’il y a du rythme, aussi maladroit fusse-t-il et un chouette boulot au niveau des décors, de belles couleurs notamment, même si tout cela est beaucoup trop platement filmé. J’ai surtout été perturbé par François Perier (qu’on a l’habitude de voir chez Melville, notamment où il y est plus subtil, plus grave) avec son jeu et ses mimiques emphatiques qui, révélation, semble avoir inspiré Christian Clavier – Tu feras gaffe, c’est flagrant. Quant à Zizi Jeanmaire, elle a tout du charisme post-Arletty, dans sa voix comme ses grimaces. Globalement l’interprétation est en roue libre, d’ailleurs, mais Daniel Gélin, en gentleman cambrioleur, est celui qui titre sa meilleure épingle (celui qui est le moins dans l’exagération) d’un jeu, d’un film qui a beaucoup trop pris la poussière.