Un drame teinté de science-fiction d'une grande beauté visuelle, jouant sur des plans en surimpression qui apportent le rythme nécessaire à une narration lente. Plans froids et vertigineux, de tours gigantesques, de chambres d'hôtels, de grands espaces signifiant le vide au sens propre comme au figuré, et d'effets miroirs, filmés à la perfection pour rendre l'anonymat.
Une sorte de voyage fantasmagorique qui fera penser au cinéma de D.Lynch par son côté surréaliste, qu'appuie la musique de Michael Rother, pour raconter la perte de repères d'un chasseur de tête, Clemens Trunschka, en déplacement à Houston pour une mission de recrutement, parfaitement interprété par Ulrich Tukur.
Une ambiance hypnotique pour traiter de l'isolement et de l'aliénation sociétale. Une critique acerbe du monde d'aujourd'hui où l'argent, la réussite professionnelle et la reconnaissance priment au détriment de sa propre intégrité.
De rencontres en adversité, aux longues heures d'attente dans l'automobile, un voyage qui se dirige crescendo dans le non-retour, où les scènes de réalité avec le compagnon de fortune, Charles Wagner (Garret Dillahunt), dosent les multiples scènes d'illusions, de visions subies dans les états seconds de Trunschka, noyé dans sa dépression. Quelques scènes d'humour rares contribuent à renforcer le sentiment de l'inutile acharnement.
Le besoin de reconnaissance de Trunschka, imperméable aux autres, synonymes de danger, ne vivra son séjour, que pour un seul et unique but, atteindre son objectif en allant même jusqu'à dépasser les bornes, pour nous révéler tout le drame de l'intrigue.
Garret Dillahunt (winter's bone, deadwood, la dernière maison sur la gauche) grande découverte, ici dans un premier rôle alternant le charme de l'excentricité, l'amitié envahissante et la déception, avec une justesse d'expression qui se marient à merveille avec le personnage de Ulrich Tukur, perdu, visage hermétique tout en violence et contraintes retenues.
Autre franche découverte, le metteur en scène allemand Bastian Günthers, qui signe son premier long métrage, et dans la même veine que Florian Henckel von Donnersmarck pour son fabuleux premier film "La vie des autres", renvoient à cette phrase du DVD, que Ulrich Tukur écoute dans son véhicule, pour se recentrer sur son travail et sur son
objectif :
"c'est grâce à des personnes qui se surpassent que le monde évolue" on peut dire aisément cela de ces deux metteurs en scène, pour que le cinéma puisse aller toujours plus haut dans la qualité.