Pour son premier long-métrage, Anders Walter propose bien plus que ce qu’on attendrait d’une œuvre à portée rétrospective. Il adapte avec manière le comic graphique éponyme de Joe Kelly et J. M. Ken Niimura. Il est difficile d’argumenter sans évoquer quelques pistes de réflexion qui sont essentielles à acquérir lors du visionnage et à relativiser ensuite. Ce que l’on se propose d’étudier, c’est la frontière entre la fuite et l’affrontement de nos démons. Leur apparence physique n’est pas la seule chose qui préoccupe les esprits, car le symbolisme doit dominer cette analyse pour les petits comme les grands.
Cadette d’une famille à la silhouette désunie, Barbara (Madison Wolfe) se repose dans son antre qui la préserve de la réalité et de la vérité. Entre le frère qui feint d’ignorer les problèmes familiaux, par l’intermédiaire du numérique, et la sœur aînée Karen (Imogen Poots) qui porte le fameux fardeau des responsabilités, Barbara choisit de camper dans la mythologie, là où la folie des grandeurs deviendra à la fois son handicap et son échappatoire. La hauteur est également un point qui effraie la rebelle qu’elle est. Cela définit son ennemi qu’elle tente de combattre. On peut y voir l’ombre de la maturité, mais aussi un mauvais présage que la mise en scène aborde avec élégance.
Elle se met en retrait vis-à-vis de son entourage, limitant la communication et en variant la forme qu’elle puisse prendre afin de partager son savoir. Pourquoi donc ? S’ouvrir au monde peut en effrayer plus d’un. Le fait de s’enfermer dans son idéal est comme une issue. Elle y est intouchable. Mais plus elle avance et plus elle fait face à cette réalité qui la rattrape. Elle pourrait tout de même trouver plusieurs refuges, en passant par une amie de quartier ou encore un soutien psychologique en la personne de madame Mollé (Zoe Saldana). Le fait que la figure féminine domine n’est pas anodin, il y a une vocation dans ce subtil discours. Chacune parvient à se rapprocher du spectre qui hante Barbara, mais tout l’enjeu réside dans ce que la fille possède déjà.
Il est évident que le cœur de cette jeune Barbara souffre d’un traumatisme. Son jeune âge justifie donc son aisance à se familiariser avec son mal-être. L’imaginaire de l’enfant devient alors une métaphore complexe de ce qu’elle traverse inconsciemment. Elle est solitaire, mais sensible. Et cette solitude exponentielle renvoie toujours à la question de l’absence, chose que l’on relativise constamment à chaque niveau de lecture du récit, que ce soit dans le cadre fantastique ou non. Elle ne peut subsister sans motivation et elle en possède une qui fait d’elle une guerrière en croisade. On peut ainsi distinguer deux aventures qui se recoupent en un dénouement émotionnel.
Le réalisateur danois insuffle donc une maturité en croissance chez une jeune fille qui doit renouer avec la vie. C’est un parcours initiatique empreint de fantaisie qui sait même comment séduire la plus grosse brute, pourvu que son cœur écoute les faveurs de cette âme égarée. « Chasseuse de Géants » ou « I Kill Giants » en version originale, ce qui rend l’impact émotionnel plus efficace, est une aventure unique et universelle. Beaucoup pourront s’identifier derrière ce doux rideau de colère et d’incompréhension. Et ceux-ci sauront que jamais le flambeau de l’espoir ne disparaît aussi simplement qu’une larme dans une mer déchaînée.