Le cinéaste (écrivain, résistant, documentariste, poète, voyageur, explorateur du web... et j'en passe), se proposait ici d'évoquer à la fois un étrange chat jaune souriant et omniprésent sur les murs tout en dévoilant deux à trois années assez chargées en France. Avec le recul, Chats perchés reste ce saisissant (et bardé d'ironie cinglante souvent) portrait de la France du début des années 2000 avec la montée du FN comme point d'orgue inquiétant que le cinéaste malicieux choisit dans le discours de reléguer comme un "simple" malheur en plus : la date du 21 avril 2002 étant plus notée comme ce jour terrible où la patte de la chatte Boléro, mendiante des couloirs du métro accompagnée de "son humaine", se prit dans un escalator du métro.
Il est évident que si Marker qui a traversé l'Histoire et en a vu de belles et ne fait plus confiance vraiment aux humains, il continue d'aimer les chats. Mais ce serait trop simpliste de dire que le bonhomme fut misanthrope, lui qui jusqu'à la fin de sa vie photographia les hommes et les femmes (étonnantes photos dans le livre Passengers) pour y déceler la beauté. Simplement, en vieux sage qui à l'époque commence à se retirer du monde, il sait que tout n'est que gouttes d'eau dans l'océan du temps. Cela dit, il le fait avec un humour qui fait souvent mouche pour mieux cacher les regrets : il faut voir la reprise des évangiles pour critiquer le foot comme nouveaux jeux du cirque, surtout après un plan montrant des publicités "aux dimensions staliniennes" des joueurs d'alors : En ce temps là, le peuple s'assemblait pour regarder 11 milliardaires taper dans une balle".
Maintenant que le cinéaste n'est plus, cette dimension de son oeuvre s'avère plus visible. Chats perchés semble du coup un adieu caché au monde (après ça le cinéaste ne fait plus que des petits courts-métrages et des articles dans la revue poptronics qu'il quitte en 2010 comme s'il sentait la fin...), se demandant si finalement les chats ne vont pas nous abandonner nous, avec toutes nos conneries.
De quoi parle Chats Perchés au final ? De la France et ce qui s'y déroule de 2002 à 2004. Manifestations, manifestations, manifestations (on manifeste beaucoup en France), disparitions (Schwartzenberg et Marie Trintignant), et heureusement une tendresse toujours actuelle pour les matous, qu'ils soient en graffitis dans les rues ou vivants et bien en chair et en poils près de nous. C'est pour eux que l'auteur garde plus que tout devant le cynisme, la tendresse des justes.
Un Marker mineur mais important quand on y repense. Surtout toujours aussi actuel à notre époque.