J'ai fini par croire dur comme fer que Mervyn LeRoy est l'un des réalisateurs les plus intéressants de son temps aux côtés de types comme Josef Von Sternberg ou Hiroshi Shimizu. Si je considère "Le Petit César" comme une faiblesse de parcours, chaque film vu a été un intense moment de cinéma. Pour le cas de "Chercheuses d'or de 1933", c'est par l'intermédiaire d'un livre spécialisé que j'ai appris son existence. Encore aujourd'hui, les années 30 sont celles que je connais le moins et je compte bien y remédier.
"Chercheuses d'Or", c'est d'abord un classique de sa filmographie et l'une des oeuvres marquantes made in USA en son temps qui remporta un grand succès. Nul besoin de dire qu'il a acquis une réputation culte. On a un produit bâtard oscillant entre comédie musicale et comédie d'amour aux accents de screwball comedy. Oui ça fait beaucoup de "comédie" en une seule phrase mais je n'ai pas su la rédiger autrement, vous m'en verrez désolé. Ceux pour qui le ton guimauve est aussi virulent que la peste noire à leurs yeux sont priés de s'envoler vers d'autres horizons car cul-cul il y aura. Deux mondes s'affrontent : la haute société et la petite. La bourgeoisie vs le monde de la danse. "Chercheuses d'Or" n'est pas un modèle de finesse en effet. Les riches sont tournés en ridicule. Ils sont sectaires et prétentieux. Le prolétariat est ouvert d'esprit et ne s'embarrasse pas des conventions. Pour nos danseuses, le spectacle doit continuer à tout prix, certes pour payer les pâtes à la fin du mois mais également par passion. Elles ne vivent que pour ça et l'intrusion dans leur vie du jeune voisin qui avait déjà des vues sur Polly comme elle en avait sur lui va lancer le scénario.
Qu'on le veuille ou non, et Dieu sait que j'affectionne les films sombres et sans espoir, "Chercheuses d'Or" est un truc qui vous met de bonne humeur. On ressort de là avec le sourire aux lèvres que l'on a gardé pendant une grande partie de la séance, quand le rire ne s'y invite pas. Malgré son grand âge, l'humour fait encore mouche. Personnellement, j'ai été incapable de retenir mon fou rire devant la réplique "Peabody vous m'écoeurez !" alors que ce brave avocat avait tout le mal du monde à réguler sa chaleur corporelle en présence d'une danseuse avec laquelle il s'acoquinera. C'est lâché avec une telle spontanéité et pourtant, je n'ai pas le rire facile devant un film.
Bon le scénario n'est pas celui qui vous offrira l'orgasme cinéphile de votre vie. Il se suit avec un dynamisme peu commun. La plongée dans le milieu est sans contestation possible parfaitement réussie. C'est prévisible mais oh combien joyeux. Mais véritablement où "Chercheuses d'or" va nous décrocher la mâchoire, c'est bien durant ses scènes de danse. De mémoire, jamais je n'avais vu une mise en scène d'une telle modernité. La caméra se faufile, capture les mouvements au bon moment, alterne plans rapprochés et plans larges. La troupe n'est pas vue comme une simple troupe mais comme un ensemble d'artistes à part entière. On les filme par groupe de deux ou trois, parfois seuls aussi. Ils existent, ont leur réalité propre. Les protagonistes principaux ne sont pas le centre du monde de la pièce. A plusieurs reprises, LeRoy s'autorise des effets esthétiques stupéfiants pour l'époque. Les danseuses tenant une lumière qui, dans le noir et suivant leur position sur scène, reproduisent visuellement un violon. Juste, c'est magnifique ! C'est porter l'art à du très haut niveau. Quatre ans avant, on sortait encore du muet quand même. On m'aurait dit que la date du film était 1952 que j'y aurais cru.
"Chercheuses d'or de 1933" (allez, je remets le nom complet cette fois) est un petit bijou pétillant, rempli de bonnes intentions et dont on peut deviner à quel point l'ambiance devait être jubilatoire durant le tournage. Sa bonne humeur est communicative, ce qui est le propre des meilleures comédies loufoques. Et comme si cela ne suffisait pas, LeRoy nous prouve une fois de plus à quel point il sait choisir ses acteurs et en particulier ses actrices dont le charme en touchera plus d'un. Certes, on aurait aimé un peu plus de scènes de chants ou tout du moins un petit oeil durant les répétitions mais ça serait chipoter pour pas grand chose. Etant partisan de la qualité > quantité, je préfère des passages intenses mais en petit nombre à des passages fréquents mais bas de gamme. Un beau boulot et sans nul doute l'un de ses meilleurs travaux. Une note qui me surprendra durant un bon moment.