En alternant avec une certaine habileté ellipses et sommaires, l’ouverture de Chevauchées avec le diable laissait espérer une originalité narrative qui n’aura finalement pas lieu, la faute à un burlesque qui parasite en partie l’épique et l’empêche de s’installer dans la durée : un des personnages passe son temps à rire, ce qui a le mérite de déconcerter un spectateur habitué au sérieux de plomb de cow-boys à la virilité triomphante, mais finit par agacer : le récit de vengeance, qui s’affirme comme la conséquence directe des crimes initialement commis, ne paraît pas vouloir s’exécuter, si bien que l’atmosphère rugueuse s’évapore peu à peu pour laisser la place à un autre récit, moins intéressant, axé autour de la camaraderie et des plans de séduction. La chanson d’introduction est très belle et attire, à l’instar du chant des sirènes homériques, les hommes égarés dans le saloon. Les protagonistes principaux errent autour du bar jusqu’à l’heure de l’apéro : on chante on danse on tire (au pistolet) puis on sort et on se bat. La mécanique est bien huilée, certes, et l’on passe un assez bon moment.
Ce qui manque pourtant au film de Jesse Hibbs, c’est un parti pris esthétique et scénaristique qui aurait su croiser la noirceur d’une vendetta avec la gaieté ambiante de trublions traités à la sauce buddy movie. L’attente ne construit rien, ne participe pas à l’élaboration d’une tension dramatique comme le fera cinq ans plus tard Howard Hawks avec Rio Bravo. En résulte une œuvre inégale et dispensable dont l’amour qu’il manifeste pour le genre investi sait heureusement maintenir son spectateur en éveil. Sympathique mais sans plus.