Chicken Little
4.8
Chicken Little

Long-métrage d'animation de Mark Dindal (2005)

Si on devait citer un film représentant le troisième âge noir de Disney, cette réadaptation du court-métrage du même nom de 1943 en est le meilleur modèle. Ce qui est horrible avec Chicken Little n’est pas qu’il est juste mauvais, c’est que quelqu’un ait pu se dire avant les projections-test et avant la sortie du film dans nos salles que ce film serait un hommage convenable à Joe Grant, l’un des derniers des 9 grands sages Disney encore en vie il y a un an plus tôt avant la sortie de ce film. Qui ne sont autres que 9 grands animateurs ayant collaboré au complet avec Walt Disney depuis ses débuts jusqu’aux Aventures de Bernard et Bianca.


Hélas pour les fans de la compagnie, les studios avaient chuté dans l’estime de tous en particulier après la sortie du très médiocre La Ferme se Rebelle et les sorties en DTV ou au cinéma des suites de classique Disney made in Disney Toon Studio n’aidaient pas. Et si sur le papier la volonté de passer à l’image de synthèse pour l’animation et permettre une nouvelle envolée était louable, on est à des centaines de lieux d’un Nouvel Espoir.


Mettons un peu de côté la direction artistique ratée, le doublage bien que Lorànt Deutsch tente tant bien que mal de divertir en VF (la version originale est parfois ignoble, comme l'anecdote d'Abby sur l'urine congelé tombé d'un avion) et la qualité sonore aux fraises. En le revoyant, je pense qu’on peut facilement mettre le doigt sur deux raisons pour lesquelles ce film est aussi malveillant et intrusif dans tout ce qui s’est fait chez les Walt Disney Animation Studio.


Premièrement, ce film déteste son propre héros avec une gratuité exécrable alors qu’il porte son nom et prénom. Passée l’introduction en tout hystérie qui se colle une balle dans la rotule en terme de crédibilité pour ce qui est d’installer un univers fictif (on est dans un monde d’animaux anthropomorphe ou les films Live comme Indiana Jones existent ? Est-ce que les humains existent aussi alors ? Si non, ou sont-ils passés ? Est-ce qu’on dans un futur lointain ou les animaux ont évolués au point de remplacer les humains et d’hériter de leur culture ?), le petit poulet va faire l’objet des moqueries les plus excessif quitte à l’humilier monstrueusement aux yeux de toute la communauté : du projet de film relatant l’accident malheureux en passant par le directeur de l’école déclarant ouvertement que Chicken n’aurait aucune qualité de son paternel, sans oublier toutes les situations maladroites tellement poussées que ça en devient malsain et même les adultes de la ville qui le considèrent comme une plaie vivante.


C’en est au point ou l’on confond impopularité du héros à celui du bouc émissaire qui n’a pas le droit d’être heureux ou d’être apprécié. Sauf lorsqu’il réussit une action qui accorde de la fierté à la ville comme donner la victoire à son équipe de base-ball, comme si toutes les maladresses et le malentendu de l’année passée n’avaient jamais existée. Ce qui achève de rendre toute la population de cette ville aussi haïssable qu’un troupeau de mineurs misogyne jusqu’à l’os, ou qu’un mauvais comic relief sorti d’un mauvais film d’action tel Chris Tucker dans les Rush Hour.


J’en viens à la deuxième raison qui fait aussi de Chicken Little un produit dangereux : sa moralité. Et pour ça, le père de Chicken, Buck Cluck, est probablement l’un des pires personnages Disney jamais écris, peut être même le pire. Non seulement il n’apporte jamais de soutien à son fils et le désavoue devant les habitants de la ville la deuxième fois que son fils provoque une alerte, et en prime il va dans le même sens que les habitants sauf lorsqu’il découvre que son fils était dans le vrai depuis le début. C’en est affolant de voir toute cette distance entre père et fils effacée l’espace d’une seule scène lorsque le scénario le demande, je ne sais pas si on peut faire plus hypocrite et incompatible avec tout ce que les précédents films ont pu faire de ce côté-là, y compris les dessins animés plus sombres ou volontairement dérangeants ou déglingués tel que Pinocchio, Le Bossu de Notre-Dame, Bernard et Bianca ou encore Alice au pays des merveilles.


La Ferme se rebelle se contentait d’être fainéant mais n’était pas une insulte ultime, là on nous invite à oublier les déboires d’une personne et l’aduler quand il réussit une entreprise qui nous rend fier, et que même si on lui a craché dessus pendant longtemps ça sera vite oublié. Morale débile et toxique réitéré avec Chicken et son père et le malentendu de l’invasion extra-terrestre qui donne une justification tout aussi abrutissante sur l’histoire du gland en début de film.


Même avec Mark Dindal à la réalisation qui avait pourtant signé l’excellent Kuzco et aussi Dany chat superstar auparavant, il n’y a pas de tête pensante. On sombre dans la confusion la plus totale dés les premières minutes que ça soit en terme d’univers, de côté de l’humour qui enchaîne certains gags loin d’être mauvais sur le papier mais très mal présenté (le bébé lapin cachant toute une tripotée dans la poussette quand la mère s’enfuit : ça aurait pu être hilarant si on l’avait largement raccourci et si on l’avait servi dans un contexte plus installé), une preuve que l’humour n’est pas seulement une question de chute, d’idée ou de durée mais aussi de présentation.


Tandis que les rôles les plus potables et les seuls êtres sain d’esprit dans ce monde que sont Abby, Boulard et Fish n’ont pas grand-chose pour eux. La première se contente de répéter la même morale à Chicken en sur-expliquant quitte à ne rien vouloir dire au final, Fish et Boulard sont l’objet de l’hystérie ambiant et des références musicales ou à la culture pop balancée sans que l’on ne comprenne pourquoi et sans que la situation le justifie (on arrive même à placer Aladdin et Le Roi Lion sur 20 secondes de film sans que ça n’ait de sens... remarque quand on sait ce qu'il y a dans la VO, c'est peut être pas si mal).


Inutile de parler de l’ambiance sonore, John Debney voyant ses morceaux (très faiblard) noyés par cette avalanche de chansons pop tel que If you Wannabe des Spice Girls reprises pour ne citer que ça.


Et bien évidemment, on l’aura tous dis : c’est très moche, que ça soit la gestuelle exagérée des personnages qui les empêchent de paraître réellement vivant, la texture des décors au premier plan comme en arrière plan, la lumière très laide et les gros plans de face qui font mal à regarder (même Gang de Requin était plus regardable). A la limite le design des aliens est amusant, et apporte l’un des rares gags réussis du film quant à leur aspect pourtant menaçant quand la carapace se brise et Deutsch fait ce qu’il peut avec ce qu’il a pour sauver les meubles au doublage, mais rien à faire le film contamine quasiment tout.


Film marketing dénué de conscience et un essai qui se fera heureusement oublier par la suite avec Volt star malgré lui et les succès du nouvel âge d’or comme Raiponce, La Reine des Neiges ou Zootopie, Chicken Little est un faux pas qui reste difficilement compréhensible même dans la situation ou se trouvait le studio à l’époque, et à ce jour le plus mauvais des classiques Disney. Et dont il vaut mieux s’en rappeler pour éviter de retomber un jour aussi bas que ça.

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le 17 août 2019

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